Cherchez d’abord – étude musicale en 2 actes

Prologue – La Question

Dans un de mes précédents articles sur Regards Protestants, je partageais mon analyse d’une des œuvres m’ayant particulièrement marqué, d’un compositeur dont je suis tout autant fasciné : The Unanswered Question de Charles E. Ives (1874-1954). Parce que la question du « quoi », du « qui », du « où » et du « pourquoi » est universelle et intemporelle, son analyse ne peut qu’en être complexe.

The Unanswered Question Charles E. Ives

En tant que chrétien, la question n’est pas moins présente que pour tout autre être humain doté d’intelligence et de sensibilité. Il semble évident – bien que souvent bien plus difficile à appliquer, tant nous sommes de nature impatiente – que pour trouver, il faut d’abord chercher. Pour trouver la réponse à notre Question (qui est plurielle), il faut donc la chercher. La Bible nous apporte une piste de recherche : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu ». Si cette injonction semble de premier abord extrêmement simple et limpide, elle ne l’est sans doute qu’en apparence. Nous n’apporterons pas ici une réflexion d’ordre théologique – de nombreuses personnes très compétentes l’ont déjà maintes fois discutée et continuerons à le faire. Nous souhaitons ici apporter un complément. Car notre monde et nos vies sont, malgré tous nos efforts, bien plus complexes. Parce que la grandeur de la Création nous dépasse ; parce que la compréhension de ce qu’est pleinement Dieu n’est pas pour nous une évidence, voire même pas du tout accessible par nos seules capacités humaines, nous cherchons tous, d’une manière ou d’une autre à poser correctement notre Question (qui est plurielle) pour être, peut-être, correctement répondue.

Les artistes, notamment les musiciens, ont entre autres pour mission de poser cette question, de proposer des formulations et des pistes de réflexion. Au fur et à mesure du temps, la création musicale se complexifie, nos connaissances évoluant. Dans un de ses ouvrages, l’enseignant et théologien Alfred Kuen se demande alors : quelle doit être la position du chrétien devant ces musiques modernes ? Il écrit ensuite : « Les musiques expriment fort bien la misère de l’homme sans Dieu, mais se révèlent incapables de transmettre le message d’un Dieu d’harmonie et d’amour. » Permettez-moi d’en douter. Car si Dieu est assurément un Dieu d’amour, je suis certain qu’Il aimerait être considéré dans toute sa grandeur et toute sa complexité – tout autant que nous, d’ailleurs : qui d’entre nous apprécie que d’autres nous classent dans des boîtes, sans nous connaître profondément ? Nous ne le savons souvent pas nous-même, sauf le Père.

« Comprendre le monde pour un homme, c’est le réduire à l’humain, le marquer de son sceau » écrit Albert Camus. Quel sacrilège, quel blasphème ce serait, pour un chrétien, de réduire le monde à l’humain, à soi-même ! Fort malheureusement, il faut souvent que des penseurs athées nous le rappellent…

N’oublions pas non plus que nous sommes tous, avec et malgré nos différences, sujets à des sentiments, grands et profonds, tout à fait légitimes par leur seule existence. Ces grands sentiments, pour reprendre les mots d’Albert Camus, promènent avec eux leur univers, splendide ou misérable. Ces sentiments profonds signifient toujours plus qu’ils n’ont conscience de le dire. Je reste persuadé que les grandes œuvres, supports expressifs de ces sentiments, en sont de même.

A travers cette étude en deux actes et six scènes, nous découvrirons, grâce à l’analyse d’œuvres musicales du XXe siècle, différentes pistes de réflexion pour chercher la Question et (qui sait ?) une once de Réponse.