La Maison Ouverte organisera le samedi 11 février une soirée de soutien à deux cents militant·e·s écologistes d’Extinction Rebelion Lausanne poursuivies pour des blocages de rues. Une affaire qui pose la question de la répression contre ces lanceurs et lanceuses d’alerte de la crise climatique.
Deux cents militants et militantes écologistes ont commencé à comparaître devant la justice pour leur implication dans des manifestations non violentes pour une justice climatique et sociale en 2019. Mais les tribunaux refusent de juger conjointement les infractions reprochées aux participant·e·s des mêmes actions.
Arguant de l’impossibilité logistique d’organiser ce qui serait alors le plus gros procès de manifestant·e·s en Suisse et en Europe, le tribunal a divisé l’affaire en de multiples micro-procès. Seize ont été programmés de septembre à décembre 2021, et cela ne concerne qu’un tiers des prévenu·e·s.
Au total, une cinquantaine de procès distincts sont prévus, ne permettant pas d’exprimer la défense d’une cause commune et reniant l’intervention d’experts du climat.
En France aussi, des activistes du climat sont poursuivis pour des actions non-violentes. Les 16 et 17 janvier, six militant·e·s de la campagne de résistance civile Dernière Rénovation ont été jugés pour avoir pris part à des actions non violentes et réclamé la rénovation énergétique des bâtiments en France : une entrave de la circulation avec une banderole sur le périphérique parisien entre porte de Versailles et porte de Sèvres le 9 juillet, une entrave de la circulation porte de Sèvres le 9 novembre et une tentative d’entrave de la circulation durant le Tour de France le 17 juillet.
État de nécessité
Ces actions ont sans doute perturbé pendant quelques dizaines de minutes la vie quotidienne de dizaines personnes et menacé un des grands rituels de l’été français. S’il y a poursuite, c’est que des lois n’ont pas été respectées. Mais comme nous le soulignons dans un appel de personnalités, alors que l’État français a été condamné plusieurs fois pour inaction climatique, ces militants « se retrouvent pourtant aujourd’hui sur le banc des prévenus, quand, de l’autre côté, le gouvernement peut ignorer une décision de justice. Le déséquilibre dans ce deux poids, deux mesures est alarmant ». Nous avons appelé la justice à continuer « sur la voie dans laquelle elle s’est déjà engagée en reconnaissant l’état de nécessité dans lequel se trouvent celles et ceux qui luttent, sans violence, désespérément, pour notre survie ».
Des prophètes
Dans l’Ancien Testament non plus, il ne fait pas bon alerter les puissants. Les rois d’Israël se retournent volontiers contre les prophètes. Comme Elie qui se cache dans la montagne Horeb, ils doivent fuir. Il est dangereux de mettre en cause les habitudes, les représentations, les situations de pouvoir, les intérêts dominants. Il ne fait pas bon non plus mettre en garde, « prophétiser » une catastrophe. Les prophètes annoncent que si les injustices continuent, Israël court à sa perte. Ce qui arrivera avec la chute du nord d’Israël puis celle du sud envahis par les voisins assyriens et la déportation des élites à Babylone à partir du 8e siècle avant Jésus-Christ.
Dans l’Antigone de Sophocle – inspiration de l’éco-féministe catholique Frédérique Zahnd pour la pièce dont des extraits seront lus lors de la soirée du 11 février à la Maison Ouverte – nous sommes prévenus : « personne n’aime le messager porteur de mauvaises nouvelles ».
Pourtant, les textes des prophètes sont en trompe-l’œil et cela nous laisse un espoir. Ils donnent l’impression d’annoncer les dangers du futur. En réalité, ils ont été réécrits une fois la catastrophe arrivée, et leur objectif n’est donc pas d’annoncer, mais de tenter de donner une explication à la catastrophe.
Écouter le messager
Notre situation est différente. Des scientifiques ont étudié les effets de la concentration du CO2 dans l’atmosphère, de l’augmentation des températures sur les écosystèmes, construit des modèles pour prévoir. Des scénarios ont été élaborés et affinés pour nous dire ce qu’il fallait changer dans nos systèmes économiques et sociaux, dans nos habitudes et nos représentations. Des technologies sont à disposition. D’autres façons de vivre ont commencé à émerger.
Des militant·e·s écologistes depuis des décennies, une nouvelle génération depuis quelques années nous alertent avec vigueur. À la différence des prophètes de l’Ancien testament, ils ne nous font pas leçon a posteriori sur le pourquoi de la catastrophe une fois qu’elle est arrivée : c’est avant la catastrophe qu’ils nous le disent. Nous savons ce qui va arriver si nous n’agissons pas. Inspirés par l’Ancien testament, ne pourrions-nous pas nous dire qu’au lieu de les sanctionner comme le font les rois, nous ferions bien de les écouter ? Et d’agir, car nous avons tous les leviers pour cela.
Stéphane Lavignotte, pasteur à la Maison Ouverte de Montreuil
Soirée de soutien aux condamné.e.s d’XR Lausanne
Samedi 11 fév. 18h30-21h30
La Maison Ouverte 17, rue Hoche, Montreuil
Lecture et débat autour de la pièce La Nouvelle Antigone, le mythe s’empare du climat, de Frédérique Zahnd
On se souvient de l’histoire d’Antigone, cette jeune fille qui a choisi de défier les lois du roi de Thèbes, au nom de la justice. La pièce revisite ce mythe grec à la lumière de l’enjeu climatique. Aujourd’hui, au nom de quoi Antigone est-elle contrainte de s’opposer à l’autorité de l’État ? Quand Antigone rencontre Extinction Rebellion, le mythe s’empare du climat !
Programme
– Présentation de la pièce, en présence de l’auteure
– Lecture de scènes choisies par des comédien·ne·s
– Témoignages de militant·es sur la répression en Suisse romande
– Discussion sur le texte, le climat et la désobéissance civile
– Apéro à la buvette de La Maison Ouverte
– Soupe solidaire avec l’association « Les petits légumes »
La présence de l’auteure et d’autres activistes de Lausanne sera l’occasion de découvrir ce qui se passe dans d’autres pays.
Vente du texte de la pièce et bouffe au profit des activistes de Lausanne condamné·e·s en 2022.
Soirée organisée avec XR Montreuil
