Au nom du Père, du Fils et de la Pop théologie

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« Suis ton étoile, Va jusqu’où ton rêve t’emporte, Un jour tu le toucheras, Si tu crois (…) n’éteins pas la flamme que tu portes, Au fonds de toi souviens-toi, Que je crois en toi. » (Céline Dion)

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… vers la fin du XXème siècle, le philosophe Gilles Deleuze invente la «pop philosophie ». 50 ans plus tard, le critique d’Art, Mark Alizart, imagine la “pop théologie”. Cette imitation de la discipline de Socrate, mais aussi du geste de la pop musique et du pop art, qui consiste à se saisir d’objets ou de formes appartenant à la culture populaire (culture médiatique, rock, séries télévisées, science-fiction, pornographie, jeux vidéo, objets du quotidien), a contribué ces dernières années à développer un domaine intellectuel, éditorial et événementiel souvent stimulant, étiqueté du pétillant terme de Deleuze.

Maître Yoda ou le nouvel esprit du protestantisme“, titrait France culture pour illustrer l’esprit de la pop théologie…” Maître Yoda, un nouveau Martin Luther ? Pas si absurde, si on considère comme Mark Alizart que la société du spectacle doit beaucoup à l’éthique protestante“. A l’écran, sublimation, courage de s’accepter soi-même, de s’ouvrir aux autres, à Dieu et au monde. Maître Yoda n’a pas tord de dire qu’il faut “croire” en la Force, dans la Guerre des étoiles.

On connaît la thèse de Max Weber : « le protestantisme a inventé le capitalisme jusqu’à oublier sa dimension religieuse et nous livrer à un monde désenchanté ». Le motif du désenchantement, pourtant, l’inventeur de la pop théologie n’y croit pas, explique Philosophie Magazine. « Il fait même l’analyse inverse : loin de tout nihilisme, la pop culture contemporaine apparaît animée par une « pop théologie »: « le désir protestant de dépasser perpétuellement la Loi. À la manière du pop art se déprenant de l’idée d’œuvre. Ou à la façon des blockbusters hollywoodiens mettant en scène l’acte de foi qui permettra au héros d’agir en état de grâce. Alors plutôt qu’une sortie du capitalisme, c’est bien son accélération, son accomplissement protestant qu’il faudrait viser afin de connaître enfin la vie au présent, scandée par un éternel « Amen, Alléluia».

Si l’on admet, avec Radio Nova, que la musique Pop contient un principe d’épanouissement et d’expression libre de soi, « alors Mark Alizart a raison de nous signifier cette présence du spirituel dans l’Art. Des ballades d’amour (vers Dieu, les autres) aux danses libératoires, il y a cette aspiration à la confiance dans les capacités humaines à se transcender ».

Pour les Inrocks, la pop théologie mobilise de multiples sources et en croise des fils complexes, esquissant des clés d’analyse inédites afin de comprendre en quoi et comment nous serions tous, autant que des artistes, des protestants.

Que nous dit cette histoire ?” résume Alizart pour le lecteur au terme de son parcours pop théologique, dans une très belle conclusion, en forme de relecture du livre de l’Apocalypse :

 « Au cœur de cette langue où nous ne cessons d’invoquer Dieu de mille façons – le faisant ainsi revenir, en quelque sorte, dans la réalité de notre vie – Dieu lui-même ne restera pas silencieux. ” Il existe un lien entre la fin des temps et la vérité, en ce sens très précis où la vérité consiste dans le fait de dire : “C’est vrai ! C’est bien ça !” ou encore “C’est tout à fait lui !” À la manière dont on se réjouit de reconnaître au loin le visage d’une personne aimée. Et réciproquement, que reconnaître ce visage de l’être aimé, c’est accéder à la fin des temps. (…) ».

« Penser entre les langues » permet de penser l’histoire anglo-européenne et la pop culture contemporaine comme une série de réponses à la question du salut, théologiquement :

« Il y a deux sentiments religieux fondamentaux. La première religiosité est celle de l’immanence et a été explorée philosophiquement par les Grecs. Il s’agit de considérer qu’une chose est d’autant plus divine qu’elle est plus présente. Tout peut être divin pour les Grecs, parce que le divin, c’est l’être. L’autre religiosité est celle du judaïsme : elle est fondée sur le sentiment que le vrai divin ne saurait être présent – il est transcendant. Le christianisme peut être considéré comme une synthèse acrobatique entre les deux et l’Islam comme une volonté de faire retour à une transcendance plus rigoureuse. Mais aucune des trois religions de la transcendance n’a su effacer la religiosité première, celle du présent, qui sommeille en chacun de nous. » (Heinz Wismann, Penser entre les langues, 2012).