Olivier Brès, président de la Mission populaire, lit Ezéchiel et la résurrection pour nous inviter à convoquer le souffle du Christ.
« Toi qui n’es qu’un homme, adresse-toi de ma part au souffle de vie et dis-lui : « Souffle de vie, le Seigneur te donne l’ordre de venir de tous les points de l’horizon et de souffler sur ces cadavres afin qu’ils reprennent vie » » Ézéchiel 37,9.
« Notre espoir est mort, il n’y a plus rien à faire » disait le peuple d’Israël.
Exilé, vaincu, enfermé. Il a perdu le souffle.
Nous sommes épuisés. Nous n’avons plus d’avenir.
Nos corps existent
peut-être, nous avons peut-être un semblant de vie.
Mais en
vérité, nous ne sommes que des ossements, l’apparence d’un
corps, la trace d’une personne.
L’apparence d’un peuple,
la trace d’une nation.
Or un homme va parler. Il va prononcer les paroles que Dieu lui a confiées.
Un homme va commander au souffle de vie de la part du Seigneur. Et le souffle obéira.
Il viendra de tous
les points de l’horizon.
Un souffle viendra et il redonnera
visage et forme humaine à ces corps affaissés,
Il redonnera
espérance à ce peuple effondré.
Il y aura un jour
d’après, un temps d’après. Respiration à nouveau, vie,
résurrection collective.
Et pour cela,
l’ordre du Seigneur et la parole de l’homme.
Il faut la
promesse de Dieu ET l’adresse de l’homme.
Il faut que Dieu
promette et que l’homme s’adresse.
Le souffle vient quand un
homme l’appelle en obéissance à l’ordre de Dieu.
Il faut deux
paroles pour que vienne la vie.
L’homme n’est pas seulement
témoin de l’œuvre de Dieu, le spectateur émerveillé – ou
perplexe – de la création et de l’histoire.
L’humain croyant
ne peut pas être seulement passif, contemplatif, muet.
Sa
parole, la parole de l’homme, est nécessaire pour qu’advienne la
promesse, pour que resurgisse la vie disparue.
La parole de l’homme : Dieu en a besoin pour que le souffle habite à nouveau les poitrines des humains.
Jésus avait été cette parole de l’homme, conforme au désir de Dieu. Jésus avait appelé sur les hommes de son temps le souffle de vie, et le souffle était venu, car l’ordre était aussi de Dieu, car sa parole rejoignait la promesse de Dieu.
Jésus avait été ce porte-parole.
Des hommes disaient « Notre espoir est mort, il n’y a plus rien à faire ».
– Des pauvres dans leur misère, des malades dans leur souffrance, des libertins dans leur désordre, des pêcheurs écrasés sous la loi, des riches dans leur convoitise.
Oui, des hommes disaient :
« notre espoir est mort, à quoi bon attendre un avenir neuf ! à quoi bon se lever pour former un peuple vivant ! »
Et Jésus avait appelé le souffle de vie. Il avait convoqué l’espoir. Il avait dit : « aujourd’hui souffle encore l’esprit de renouvellement, de réveil, de relèvement ».
Avec la parole et les gestes de cet homme, le souffle était revenu d’au-delà de l’horizon, il n’était plus un souvenir lointain ; un frémissement
avait parcouru à nouveau le corps et l’esprit de ses
contemporains.
Jésus porte-parole de vie, du soulèvement de la vie.
Mais le porte-parole va mourir. Celui qui avait lancé la convocation de Dieu au-dessus d’un monde sans espoir, il va mourir !
Mourir d’avoir osé justement.
Mourir de la main de ceux qui déchirent la peau, écrasent les chairs, de ceux qui endolorissent les nerfs des humains.
Mourir de la main de ceux qui préfèrent régner sur une assemblée de cadavres, plutôt que d’accueillir un souffle qu’ils ne domineraient pas.
Le porte-parole de Dieu meurt.
Parce qu’il ne peut pas accepter de répondre à la violence par la violence, lui qui avait contemplé cette vallée d’ossements et en avait rappelé quelques-uns à la vie.
Il ne peut pas convoquer un souffle de mort sur ses adversaires, lui qui avait été le héraut de la promesse de vie de Dieu.
Plutôt que de renoncer à son identité profonde, il va mourir.
Plutôt que de renvoyer le souffle de vie au-delà de l’horizon, de le laisser disparaître, il va faire, DE SA MORT MEME, le foyer du souffle de vie.
A son cri sur la croix, au geste de ses bras ouverts sur le monde, se recueille en cet instant tout le souffle de Dieu.
Il n’est pas d’autre lieu, ni au-delà de l’horizon, il n’est pas d’autres gestes, d’où peut jaillir dorénavant le souffle de Dieu. Il est tout entier concentré dans cet homme qui a donné sa vie.
Mais qui voudra l’y reconnaître ?
A Ézéchiel, il a fallu une vision pour entendre que, sur ce monde sans espoir, pouvait souffler le vent d’une nouvelle création, d’une nouvelle humanité.
Quel signe nous faudra-t-il pour que nous puissions reconnaître dans le crucifié la source de toute vie ? Comment distinguer dans ce corps supplicié autre chose que la victoire de l’injustice et de la désespérance ?
Quel signe ?
Celui
de l’absence de cadavre, pour celles et ceux qui s’étaient
résignés à voir le monde comme un immense cimetière sous la lune.
Celui de l’absence du corps, de l’absence justement pour que l’homme, pour que chaque être humain entende enfin la promesse de Dieu et qu’il prenne, lui, la parole :
« Toi qui n’est qu’un humain, si tu crois, adresse toi de ma part au souffle de vie et dis-lui :
» Souffle de vie, au nom de Jésus, viens sur ces cadavres afin qu’ils reprennent vie » ».
Oui, nous sommes
comme Ézéchiel, chargés de convoquer le souffle du Christ, chargés
de cette parole qui remet les humains debout. Chargés d’annoncer
que vient « le jour d’après », nouveau !
Puissance
de la parole de l’homme, de la parole de chaque homme, quand elle
correspond au projet de Dieu, quand elle donne force et forme à la
promesse de Dieu.
Puissance de nos mots, qui peuvent ressusciter l’espoir,
Qui peuvent faire se lever les essoufflés et les asphyxiés de la vie,
Qui peuvent changer l’avenir,
Et d’une vallée d’ossements faire surgir un peuple en marche.
Vraie puissance, celle qui en appelle à la croix et pas à la violence des puissants.
Vraie puissance de celui qui donne sa voix à Dieu, vraie puissance quand elle est pour les autres.
Il suffirait donc de notre parole
pour que le souffle de vie se lève à nouveau sur le monde,
Il suffirait donc que nous élevions la voix au nom du crucifié
pour qu’un vent de renouveau passe sur notre monde.
Aujourd’hui,
devant l’amoncellement des morts, oser dire qu’il y a un
avenir.
Devant les corps défigurés et les corps meurtris, oser
dire qu’il n’y a pas de fatalité de la misère et de
l’injustice.
Devant ceux qui sont enterrés dans l’échec et le désespoir, oser dire que le relèvement arrive.
Devant la nature que nous avons étouffée, devant les paysages abîmés, les déserts qui progressent, oser dire qu’il y a d’autres choix que l’exploitation et la destruction.
Aujourd’hui oser
annoncer un autre avenir possible que la reproduction mortelle du
présent ;
Voilà notre vocation.
Une voix nous
appelle. Une voix nous est donnée.
« Toi qui n’es
qu’un homme, dit le Seigneur, adresse-toi de ma part au souffle de
vie… »
« Vous qui n’êtes que des humains, voilà votre honneur de croyants : convoquer le vent de la résurrection sur chacun et sur le monde »
Il viendra, ce souffle.
Olivier Brès, président de la Mission populaire, prédication prononcée à l’occasion du Culte en vision de Pâques de la MPEF le 12 avril 2020.
Le dessin est extrait de la page Facebook de Pierre Hédrich, Un dessin par jour pendant le confinement.
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