En matière de logement des migrants – y compris des mineurs ou des femmes – le gouvernement ne fait pas ce qu’il dit dénonce Sylvain Cuzent, vice-président de la Mission populaire.
Au delà de l’émotion légitime que l’intervention policière de la place de la République le lundi 23 novembre à Paris a pu susciter, le pire c’est que cela n’a rien résolu. Le soir même les personnes sorties des tentes ont dû dormir à nouveau dehors. Elles étaient plus de 1000 laissées sans solution lors de l’évacuation du campement de Saint Denis une semaine plus tôt. Pendant une semaine elles ont été chassées d’un lieu à un autre, sans soutien, sans substistance, sans parfois pouvoir dormir un peu, avant de s’installer place de la République à l’initiative d’Utopia 561. Place de la République, un lieu symbolique pour illustrer nos lâchetés, les incohérences des politiques publiques qui, depuis bien longtemps déjà, laissent ce problème des personnes à la rue sans solution. Pourtant présidentielle après présidentielle, chaque candidat annonce, la main sur le coeur, qu’avec lui il n’y aura plus personne à la rue avant la fin de l’année. A chaque fois on se prend à y croire mais chaque fois les promesses ne sont pas tenues.2
Toujours plus nombreux
Toujours plus nombreuses année après année, ce sont des milliers de personnes qui dorment dehors malgré le froid, dans des squats ou des abris de fortune faute de trouver place dans un hébergement. Toutes ne sont pas d’origine étrangère loin de là. Des policiers et des agents de la ville de Paris dorment dans leur voiture faute de logement. Nous nous sommes habitués à voir des personnes assises par terre à faire la manche, à en voir dormir sur les trottoirs. Parmi elles des mineurs, des enfants parfois petits. Le CASP3 signalait l’an dernier des femmes inscrites comme demandeuses d’asile qui avaient accouché à la rue !
Le GISTI4 considère ce manque cruel d’hébergements et de logements comme le résultat d’un choix politique des gouvernements français depuis vingt ans. Il souligne également les difficultés des demandeurs d’asile à accéder à notre territoire5.
Combien de personnes sont elles à la rue malgré les engagements et les lois qui établissent le droit à un logement ou au moins un hébergement6? L’Etat n’a -t-il pas les moyens de ses politiques ? Pourquoi ne fait il pas ce qu’il dit ? Pourquoi ne respecte-t-il pas ses engagements ?7
L’action citoyenne
Pendant ce temps ce sont des citoyens, mobilisés dans des associations, qui tentent de venir en aide aux personnes dans le besoin. On connait tous les Restos du coeur, la Banque alimentaire, La Cimade mobilisée aux quatre coins de l’Hexagone… Petites ou grandes, connues ou inconnues, elles tissent un réseau de solidarité qui permet d’éviter des drames encore plus cruels8. Les Fraternités de la Mission populaire ne sont généralement pas en reste sur le terrain de la solidarité. Que ce soit à Trappes ou à Marseille, à Rouen ou à Nantes, à Montbéliard ou à St Nazaire… A la Maison Verte à Paris 18e également, engagée auprès de jeunes mineurs à la rue en partenariat avec UTOPIA 56.
La Cimade est, elle aussi, particulièrement mobilisée sur la situation des mineurs à la rue9 . Elle fait état de situations d’enfants enfermés dans des camps de rétention (alors que la France a été condamnée pour cela par la Cour européenne des droits de l’homme !). D’enfants séparés de leurs parents ou expulsés ! D’adolescents mineurs laissés à la rue sans protection, non scolarisés, sans aucune aide ni protection de l’Aide sociale à l’enfance dont c’est pourtant la mission.
Alors que nos dispositifs de protection de l’enfance appréhendent l’enfant sur la seule base de son âge et de sa vulnérabilité, on se rend compte qu’il y a loin du dire au faire.
« Je ne fais pas ce que je dis » semble résumer la façon dont, au delà des grands principes et des déclarations, l’Etat n’assume pas ses responsabilités.
Sylvain Cuzent est vice-président du Comité national de la Mission populaire.
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1 UTOPIA 56 est une association caritative qui vient en aide aux réfugiés et aux migrants. Basée initialement en Ile de France et à Calais, Il existe des antennes dans toutes les grandes villes.
2 Charles PASQUA, qui fut ministre du président Jacques CHIRAC, et était bien connu pour son cynisme, disait «Les promesses n’engagent que ceux qui y croient»!
3 CASP – Centre d’action sociale protestant présent à Paris et en Ile de France auprès de personnes à la rue, de demandeurs d’asile isolés ou en famille, …
4 GISTI : Groupe d’information et de soutien des (tavailleurs) immigrés est une association de défense et d’aide juridique des étrangers en France créé en 1972 avec le soutien de La Cimade et de l’avocat Jean Jacques de FELICE.
5 Voir le livre de Cédric HERROU «Change ton monde».
6 Le droit au logement opposable – DALO – est instauré par la loi du 5 mars 2007. Il vise à garantir le droit à un logement décent et indépendant à toute personne qui n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. Cette loi garantit également un droit à l’hébergement à toute personne à la rue quelque soit sa situation administrative.
7 La France est signataire de la Convention des droits de l’enfant – CIDE – qui stipule le droit à des conditions de vie décentes, à aller à l’école.
8 Les associations d’aide alimentaire font état d’une augmentation de 25% de personnes qui demandent de l’aide dont beaucoup pour la première fois.
9 Voir son bulletin CAUSES COMMUNES n°65 de novembre 2020 «ENFANCE EN DANGER» et la campagne que lance la CIMADE sur le sujet.