Véronique Mégnin, directrice de la Frat’Aire Pays de Montbéliard, appelle à des transformations de la société.
Avant, nous étions ensemble tout le temps et parfois nous nous ignorions complètement les uns les autres.
Avant, nous étions tous à nous plaindre, de tout et de rien, chacun avec sa plainte, à ne pas savoir entendre celles des autres.
Avant, quand on se baladait dans le quartier, on ne faisait pas attention aux voisins qu’on croissait, pas le temps ni de parler, ni même de se regarder, voir même de se saluer simplement.
Avant, à la fin de notre journée à courir partout, dans le brouhaha de nos vies, il nous tardait de pouvoir enfin rentrer à la maison.
Avant, dans la course effrénée de notre quotidien trop rempli, nous n’avions plus assez de temps. Plus de temps pour appeler les amis, plus de temps pour lire, plus de temps pour écrire, plus de temps pour méditer, plus de temps pour respirer et se ressourcer, plus de temps créer et inventer.
Avant, nous nous serrions la main, nous nous embrassions, nous nous touchions, nous jouions ensemble, nous nous côtoyons tout le temps sans même savoir que cela était un privilège.
Avant, nous regardions, certes avec compassions, mais de loin les crises de ce monde qui ne nous impactaient pas directement.
Aujourd’hui, avec ce confinement, tout est devenu différent.
Aujourd’hui, nous devons réinventer notre occupation de l’appartement pour réussir a y faire rentrer tout ce que nous vivions à l’extérieur. Nous devons planifier nos temps de travail, de détente, de sport, de tâches ménagères et aussi réinventer nos vies sociales loin de tout contact physique avec les autres.
Aujourd’hui, une voiture qui passe dans la rue, nous surprend tant tout est tellement calme.
Aujourd’hui, nous remarquons les voisins que nous n’avions jamais eu le temps de rencontrer et nous échangeons quelques mots d’une fenêtre à l’autre.
Aujourd’hui, nous passons des heures à lire mails, publications dans les réseaux sociaux, textes partagés et à répondre aux appels de nos amis, de nos contacts et de nos connaissances.
Aujourd’hui, nous changeons tous de fonctionnement par nécessité. Nos préoccupations ont été chamboulées avec nos habitudes et nous devenons inventifs individuellement et collectivement pour préserver notre avenir. Nous avons changé de paradigme sans trop nous en rendre compte.
Maintenant, je prends le temps de les écouter tous, ces connaissances proches ou lointaines, parfois pendant des heures parce qu’ils s’ennuient, qu’ils s’inquiètent les uns des autres, qu’ils ont besoin que les liens qui nous unissent ne s’étiolent pas dans cette période troublée où certains sont directement impactés par le virus ou par ses conséquences.
Maintenant, je prends le temps d’écrire, aux uns et aux autres, le temps de téléphoner pour prendre des nouvelles, de proposer de déposer des courses si besoin en passant pour aller chercher les miennes ou aller à mon travail au moins une fois par semaine.
Maintenant, je prends le temps de savourer chaque petit instant de vie de mon quotidien, pour m’en faire une réserve à redistribuer si besoin. Je prends le temps de regarder le ciel, la nature, d’écouter les oiseaux chanter ou le souffle du vent dans les arbres. Je prends le temps de regarder les graines de mes semis germer et devenir les plants de mon jardin pour l’été.
Maintenant, j’aimerai tellement serrer dans mes bras ma maman âgée, malade et ma sœur isolée avec elle dans sa maison. J’aimerai tant embrasser mon petit fils, ma fille qui porte la vie et aussi tous les membres de ma famille, tous les amis à qui j’ai oublié de dire combien je les aime, même si nous ne nous voyons plus souvent.
Maintenant, j’aimerai tenir la main de cet ami qui s’en va pour le dernier combat, seul confiné dans un hôpital sans que ses filles soient à ses côtés pour l’accompagner à cause du confinement.
Maintenant, j’aimerai voir bouger les mentalités de tous ceux qui ne pensent qu’à ne pas manquer de pâtes et de PQ, alors que je connais tellement de familles et de personnes isolées pour qui la précarité de leur petite vie vient encore de basculer un peu plus vers le néant. Eux qui n’avaient déjà pas grand-chose et qui n’ont aujourd’hui plus rien : plus de distribution alimentaire, plus d’aide, plus d’endroit où mendier, plus de toit, plus de fraternité partagée et pour certains déjà plus d’espoir de s’en sortir un jour.
Après, je veux croire que cette terrifiante parenthèse qui s’est ouverte comme une crevasse dans nos vie, ne laissera dans nos cœurs que des blessures qui ne nous empêcherons pas de vouloir continuer la route.
Après, j’ose croire que de cette torpeur, nous sortions plus unis et plus humbles afin de pouvoir nous mobiliser pour que personne ne soit abandonnée en chemin et surtout pas ceux, qui pour le moment, semble perdre l’espoir.
Après, je veux croire que tous ceux qui se foutaient du reste du monde, aient compris à quel point il est important pour eux, comme pour tous, de se savoir aimé et soutenu par les autres.
Après, je veux oublier ce monde d’êtres déshumanisés, attentifs iniquement à leur réussite personnelle, à leurs profits au mépris de ceux qui triment à leurs côtés. Je veux oublier les crétins inconscients qui se foutent complément de la vie des autres, voir qui méprisent par leur attitudes ou leur dénis ceux qui se battent pour leurs porter secours.
Demain, je veux croire que nous puissions vivre autrement, en ne nous laissant pas confiné dans un modèle sociétal obsolète, imposé par le profit de certains.
Demain, je veux espérer que ce monde puisse enfin changer et remettre tous les êtres humains à leur juste place de gardien de la terre.
Demain, je veux pouvoir croire que cette crise, ne reste pas qu’une parenthèse qui se referme, mais qu’elle soit le début d’un autre chapitre de l’humanité.