En ce début février, les crêpes sont à l’honneur, mais connaissez-vous vraiment l’histoire de cette tradition ? Derrière ce plaisir gourmand se cachent des origines bien plus anciennes, mêlant rites païens, fêtes chrétiennes et croyances populaires. Pourquoi la Chandeleur ? Pourquoi des crêpes ? Remontons le fil du temps pour en découvrir le sens caché.
Le 2 février, vous vous êtes peut-être adonnés au plaisir très laïque d’une soirée-crêpes. Peut-être que vous vous êtes rappelé cette superstition qui veut que si vous faites habilement sauter une crêpe sur la poêle en ayant une pièce de monnaie dans l’autre main, votre bourse sera bien garnie. Mais vous souvenez-vous que ce jour dit de la Chandeleur est une fête religieuse et chrétienne? Pourquoi ce nom? Pourquoi des crêpes ? Alors, plongeons dans nos mémoires oubliées et dans les transformations voulues de très antiques coutumes.
Dans l’Antiquité romaine, le mois de février célébrait les Lupercales, en l’honneur du dieu Faune (appelé Pan en Grèce, d’où le terme « panique »). Des rites virils liés au loup et au bouc avec des pratiques de flagellation étaient censés purifier les jeunes filles et garantir leur fécondité. Cet héritage païen était populaire, mais il suscita la méfiance de l’Église christianisant les populations européennes. La figure des dieux Faune et Pan, représentés habituellement cornus et avec des pieds de chèvre, fut transférée à celle du Diable.
L’Église accepta de conserver le moment festif, mais dans la foulée de Noël et de l’Épiphanie y associa la figure de la Vierge Marie, soumise selon les Écritures (Luc 2, 22-24) à un rituel de purification 40 jours après son accouchement. S’y ajouta la présentation de l’Enfant Jésus au Temple de Jérusalem (Luc 2, 41-50), dont un symbole majeur était la ménorah, un candélabre à sept branches, que rappelleront dans chaque foyer des chandelles bénites à l’église. Les fêtes du calendrier se voulaient une pédagogie de la foi.
Mais comment est-on arrivé aux crêpes? C’est que février était dans les civilisations agraires d’Europe le mois le plus dur de l’hiver, celui de la soudure alimentaire et de l’angoisse ancestrale quant à la future récolte des céréales nourricières. À quoi s’ajoutaient les restrictions du Carême, précédant Pâques. Alors comme pour conjurer le sort par une offrande, on confectionnait avec les dernières provisions des crêpes rondes et dorées comme le soleil, annonciatrices du printemps et du réveil de la nature.
C’est ainsi qu’un délicieux dessert nous relie collectivement à un passé oublié ou incompris, mais qui dit nos croyances et les méandres de leurs mutations. Alors à vos poêles et bon appétit !
Jean Loignon