« Vivre et espérer »

« Espérer, c’est traverser la détresse sans être écrasé par elle ». Cette citation d’André Dumas inspire Véronique Mégnin, bénévole à la Frat’Aire, fraternité de l’Aire Urbaine de Montbéliard pour une méditation très concrète.

Il y a des matins pluvieux, comme ce jour, où l’on se dit que l’humeur de la journée peut dépendre de peu de chose. Sera-t-elle grise, comme ce ciel qui pleure ? A moins que d’autres éléments n’interviennent pour en faire changer la couleur, mais cela dépend de quoi ? Parfois de tellement peu de chose comme ce matin là dont je me souviens :

J’ouvre les volets, il pleut, encore un matin qui semble bien triste. Puis comme chaque matin, je lis quelques infos sur mon portable avant de survoler le fil de l’actualité des réseaux sociaux pour voir ce qu’ont publié mes amis. Et là, se succèdent de façon involontaire, trois partages qui pour moi vont tous dans le même sens, en abordant des sujets parlant, d’empathie, de vie et d’espérance.

D’abord, un extrait d’émission sur radio France culture avec le pasteur Stéphane Lavignotte à propos de son livre « André Dumas,  Habiter la vie ». J’apprécie la justesse des propos de ce célèbre Pasteur sur d’éthique et la foi dans notre société en mouvement. Le journaliste passe un extrait d’enregistrement de Dumas à la radio qui dit cette phrase, qui résonne beaucoup pour moi, parce qu’elle illustre parfaitement le rapport aux personnes en difficultés que nous accompagnons dans nos fraternités. « Espérer, c’est traverser la détresse sans être écrasé par elle »

Puis sur le fil de l’actualité, publiée par une participante des activités de la Frat, je lis une de ces petites phrases, genre morale, dont les auteurs sont rarement cités. Vous voyez, ces petites publications où il est dit : « partage, si tu es d’accord avec moi ». Voici ce qui est écrit : « Avant de porter un jugement sur la vie de quelqu’un, mettez ses chaussures, parcourez son chemin, vivez son chagrin, ses doutes, ses fous-rire… Parcourez les années et trébuchez là où il a trébuché, relevez-vous tout comme il l’a fait. Et seulement là vous pourrez le juger. »

Après ce post, suit celui d’un ami qui parle du livre autobiographique qu’il publie dont le titre est « L’hymne à la vie : journal d’un confiné ». Il illustre le paradoxe de cette période d’enfermement où plane l’ombre de la mort pendant le premier confinement et où la saveur de la vie prend tout son sens en s’abreuvant de tous les petits bonheurs, auxquels en temps normal, on ne ferait même pas attention.

Alors non finalement ce matin n’est plus si gris qu’il y paraissait, ces petites anecdotes de réseaux sociaux prennent sens. Elles invitent à la compréhension, à l’indulgence, au partage avec tous.

Elles nous invitent à « habiter la vie » comme le dit le titre du livre de mon confrère Stéphane, tout comme, nous y invite le petit texte qui propose de mettre les chaussures de l’autre et de parcourir son chemin pour comprendre par où il est passé, pour mieux le comprendre.

Ces anecdotes, nous remplissent aussi d’espoir, voir d’espérance comme le rayon de soleil à cette fenêtre donnant sur un luxuriant jardin fleurit. Non pas la mienne de fenêtre, il fait toujours gris dehors, mais celle de la couverture du livre de cet ami qui pendant le premier confinement, alors que les infos nous abreuvaient des victimes de la maladie Covid, lui écrivait, « un hymne à la vie ».

Un élément bouge, tout bouge ! 

Une définition me revient de mes années de formation aux métiers de l’animation, je me souviens d’un cours sur « l’analyse systémique » : Un élément bouge, tout bouge ! Rassurez-vous je ne vais pas vous refaire le cours, juste citer cette phrase qui résume les répercutions d’un changement dans nos vie et l’effet qu’il produit : oui un élément bouge et tout bouge !  D’autres parleraient d’effet papillon, d’effet dominos… enfin de la cascade d’événements qu’un tout petit changement peut entrainer.

Lorsque l’on partage du temps auprès de personnes en difficulté, comme nous le faisons dans nos frats, se souvenir de cette phrase, permet d’ajuster le regard porté sur l’autre. Lorsque que l’on se retrouve en face d’une personne, quelque soit son problème, sa difficulté du moment, il nous faut essayer d’être à son écoute, de savoir entendre le récit de l’embuche sur son chemin qui a provoqué sa situation d’aujourd’hui et souvent par répercussion, tous les autres éléments qui en ont découlé et qui ont changé les choses pour elle.

Oui, un élément bouge, tout bouge ! Mais dès lors que l’on comprend que ça fonctionne dans les deux sens ; plus de fatalité, on n’est pas obligé de se laisser embarquer dans la dégringolade, mais au contraire en initiant un tout petit changement positif, l’effet peut devenir ascendant. Puis un pas en entrainant un autre, on remonte la pente. Les difficultés bougent, s’estompent, sont surmontées, voir même dépassées et laissées loin derrière nous.

Ainsi dans nos rencontres avec les personnes désemparées et parfois désespérées qui passent par nos Frats, chaque élément positif mis en avant, peut devenir un appui sur lequel nous pouvons compter pour faire émerger les ressources des personnes accompagnées, pour les aider à avancer et faire changer leur vie vers du mieux progressivement et parfois même de s’appuyer sur l’échec pour pouvoir aller de l’avant.

Qui de nous n’a jamais entendu ou dit cette phrase « si on me donnait la possibilité de revenir en arrière, je ne referai pas les mêmes erreurs pour ne pas en repasser par toutes les épreuves que j’ai du affronter ».

Et si justement, nos erreurs, nos épreuves devenaient des expériences nous aidant à avancer et non plus des échecs nous entrainant vers le fond.

Une mère de famille me racontait que lorsque ces 5 enfants commençaient à être grands, bien qu’encore à sa charge, son mari artisan est tombé malade et il a du interrompre son activité, privant la famille de sa seule source de revenus. Elle a du partir à la recherche d’un travail. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle savait faire, n’ayant jamais travaillé comme salariée, elle a répondu : « Je ne sais rien faire du tout, je n’ai pas appris de métier et jamais travaillé. »

C’est alors que la conseillère lui a alors fait remplir un questionnaire avec comme cases à cocher, je sais faire, je ne sais pas faire, je sais faire un peu, je ne sais pas du tout faire. Dans les questions une multitude de petites choses du quotidien comme : écrire, faire une multiplication ou une division, organiser ses courses, écrire une lettre, coudre un bouton, faire le ménage, repasser, faire faire les devoirs aux enfants, coudre, tricoter, jardiner, cuisiner, faire la lessive, faire un lit, changer un bébé, préparer un biberon …

A la fin du questionnaire, en regardant toutes les croix qu’elle avait coché dans la première colonne « je sais faire », elle s’est aperçue qu’elle savait faire beaucoup plus qu’elle ne le pensait. Cela lui a donné confiance en elle. Elle a rapidement trouvé un emploi dans l’aide à la personne puis elle a été embauchée dans une maison de convalescence où ses savoir faire étaient les pré-requis. Petit à petit, grâce à elle, la famille a remonté la pente et une fois son mari rétabli, elle a continué son travail, puis à la retraite elle s’est engagée bénévolement dans plusieurs associations où elle continue de cultiver ses talents et de les mettre aux services des autres.

Espérer pour, peut-être, nous faire déplacer des montagnes.

N’est ce pas cela le cœur de nos engagements dans nos fraternités : aider chacun à se relever en révélant ses points forts, ses talents pour qu’il remonte petit à petit dans sa propre estime et par là même, dans celles des autres ?

N’est ce pas simplement ce que nous invite à faire Jésus, lui qui comprenait les faiblesses des humains et même les trahisons de ses propre disciples ? Au repas de la cène, n’est ce pas ce qu’il a fait en disant à Pierre, que celui-ci le renierait à trois reprises avant le chant du coq, mais aussi qu’il espérait en lui pour l’avenir ?

Pierre a renié le Christ, trois fois, mais il a su choisir la vie pour devenir cet apôtre qui a continué à transmettre la Parole et construire notre Eglise.

Alors oui Seigneur, fait que dans nos vies de chaque jour, nous puissions avoir le même regard sur nos frères que celui que ton fils Jésus portait sur les disciples, un regard d’espérance, un regard qui invite tous ceux qui le veulent à venir à la table du Seigneur, même ceux qui ne pensent pas en être digne. Un regard d’amour qui est plus fort que toutes nos fautes. Parce que lui le Christ a su exprimer tout l’amour du Père qui nous est porté par lui, jusqu’à en mourir sur la croix, pour nous sauver. Alors ne nous laissons plus écraser par la détresse, mais traversons la comme le disait Dumas « Espérer, c’est traverser la détresse sans être écrasé par elle ».

Espérons, ayons foi en Dieu ou en l’humanité, parce que cela va peut être juste faire bouger un élément dans nos vie, mais que cela peut aussi tout faire bouger, voir même peut être nous faire déplacer des montagnes.

Véronique MEGNIN est bénévole à la Frat’Aire, fraternité Mission Populaire de l’Aire Urbaine

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