Véronique Mégnin, bénévole à la Frat’Aire du Pays de Montbéliard, raconte une belle épidémie de générosité qui fait front au Covid.
Dans les appels quotidiens aux uns et autres, que les bénévoles de ma Fraternité assurent afin de veiller sur ceux qui sont les plus isolés et les plus fragiles, nous entendons toutes sortes de propos, comme cette grand-mère qui me disait : « J’en ai marre, d’être toujours et encore confinée. Je sais bien que les personnes de mon âge et qui plus est malade comme moi sont plus vulnérables et qu’il ne faut pas que je prenne de risque, mais je n’en peux plus d’être toujours enfermés, dans mon appartement, dans cette tour, j’ai l’impression d’être enfermée dans une petite boite. »
Puis elle avait ajouté, comme pour s’excuser de s’être apitoyée sur son sort, alors qu’elle ne manquait de rien, à part de sa liberté de mouvement : « Enfin, je me plains, mais moi, j’ai la chance de l’avoir cet appartement, alors que d’autres sont à la rue. »
Combien sommes-nous à nous sentir comme coincés dans de petites boites, dont on doit sortir le moins possible, en ce temps étrange de confinement ?
Il est vrai aussi que d’autres vivent réellement dans des boites, entassés à plusieurs dans de minuscules chambres d’hôtel, dans les cages à poules de marchands de sommeil, dans une veille voiture presqu’une épave, sous une tente ou pire dans la rue où là de la boite, seule sa matière « le carton » devient précieux pour s’abriter sous un porche ou un pont.
Mais n’empêche que nous nous sentons tellement isolés tous dans nos boites, en ces temps de fêtes qui se préparent, loin des parents, des familles, des amis qui sont eux aussi coincés, de leur côté, chacun dans sa petite boite à soi.
Il est vrai que d’autres ont quitté leur boite d’origine, parce qu’ils ont tout quitté, parents, amis et familles, pour sauver leur peau ou tenter juste de vivre un peu mieux que dans leur pays natal, quitte pour cela à se contenter ici, d’une toute petite boite où se mettre à l’abri quelques heures.
Petites boites cadeaux
Nous pleurons ou nous nous réjouissons, parce que dans nos petites boites, nous allons peut-être pouvoir accueillir ou pas, ce proche qui nous manque. Mais nous ne pourrons même pas, par les temps qui courent, accueillir un voyageur qui chercherait juste un toit, pour une nuit au chaud.
Bon ! Me direz-vous, cela n’est pas nouveau. Il y a plus de 2000 ans et sans covid à l’époque, aucun ne s’est proposé pour ouvrir un peu sa boite afin d’abriter, le dénommé Joseph et sa femme Marie, enceinte jusqu’au cou. Ces deux là durent se contenter juste d’un coin d’étable.
Oui, nous sommes coincés dans les petites boites que sont nos appartements, mais pas seulement. Parfois aussi nos idées, nos raisonnements, nos préjugés enferment bien nos petites boites crâniennes et nous sommes plus enclin à nous plaindre de notre sort qu’à nous préoccuper de celui de l’autre.
Et pourtant ! Voici que dans toute la France, des tous petits riens, pas plus gros que des petites boites à chaussures, viennent éveiller nos consciences et nous rappeler que nous pouvons malgré le contexte, sortir un peu de nos boites étriquées. Vous en avez peut être entendu parler ou y avez-vous participé. Il s’agit de faire des cadeaux à ceux qui ont peu ou rien, en ce temps de fête de fin d’année. Pour cela, il suffit juste de mettre dans une boite à chaussure vide, un petit truc bon à manger, un petit peu de chaleur pour affronter le froid de l’hiver, un produit d’hygiène, un brin de culture par l’intermédiaire d’un livre, d’un jeux, d’un carnet, d’un stylo ou de crayons de couleurs (1). Puis il faut emballer le tout dans un joli papier cadeau et y ajouter, écrit de notre main, juste un petit message pour les fêtes, pour souhaitez des jours meilleurs à ceux qui sont isolés, loin de tout, ceux qui sont sans rien, qui n’ont pas même une petite boite de carton pour s’abriter.
Une Fleur en hiver
Et voici que pour vivre autrement ce temps de l’avent, ce temps de Noël ou juste pour accompagner le passage à la nouvelle année, une bénévole active de notre Frat a répondu à cet appel « des petites boites » à chaussures et en a organisé la collecte au nom de notre fraternité. A ce jour, 100 boites ont été collectées, 80 qui ont déjà été livrées à un centre social local qui va les distribuer aux plus isolés en partenariat avec une association caritative. Les autres seront distribuées à la fin de la semaine dans un foyer d’hébergement.
Dans l’oisiveté l’isolement, enfermés dans leurs boites, certains ont cherché quelques boites à chaussures dans leur placard pour les remplir des petits présents demandés, pour en faire cadeau pour ceux qui en ont le plus besoin. Certains ont fabriqué, eux même de jolies cartes pour y écrire un petit message ou un poème plein de chaleur.
Ces petites boites sont devenues autant importantes, pour ceux qui les ont confectionnées que pour ceux qui vont les recevoir. Et, comme toujours dans ces moments là, nous sommes éblouis par la générosité des donateurs et pas forcement de ceux que nous attendions le plus.
La bénévole de la fraternité qui a lancé la collecte des boites a été très émue de recevoir l’appel d’une adhérente de la Frat’, qui lui demandait : « Qu’est ce qu’il faut mette dans sa boite à chaussures. » Cette dame est sans papier, elle vit en France depuis 7 ans avec son mari, elle survit grâce de la générosité des uns et des autres, des dons des associations où ils sont tous les deux des bénévoles très impliqués, ils survivent aussi grâce à de petits boulots et parce qu’ils sont hébergés. Oui, notre bénévole a été très émue par la démarche de cette dame : « Elle s’appelle Fleur, elle n’a rien, les boites sont faites pour les gens comme elle, dans la misère, mais elle, elle a juste écouté son cœur et elle a fait une boite pour l’offrir à plus démuni qu’elle, juste parce que c’est normal de pouvoir aider ceux qui en ont besoin, n’est ce pas ? Elle s’appelle Fleur, elle porte bien son nom, parce que dans ce monde obscur, elle est comme une fleur qui éclot et qui redonne l’espoir du printemps après le froid de l’hiver ».
Sortons prudemment des nos petites boites, de nos boites de confort ou de nos boites de craintes et sachons nous ouvrir aux autres, parce que lorsque l’on soulève un peu le couvercle, on peut découvrir tellement plus que ce que l’on avait imaginé dans ce cadeau de la vie. Etre dans la vie et l’espérance, n’est ce pas ainsi que l’on se prépare pour nos fêtes de fin d’année qui que nous soyons : entre préparation de ce temps de l’Avent et de Noël pour les chrétiens, de la fête juive d’Hanoukka ou juste pour accueillir une nouvelle année qui arrive et que nous espérons tellement meilleure pour tous.
Véronique MEGNIN : bénévole à la Frat’Aire du Pays de Montbéliard dans le Doubs
(1) Dans la Mission populaire, les Fraternités du pays de Montbéliard (25), Trappes (78) et Saint-Nazaire (44) organisent ainsi des opérations « petites boites ». Voir https://www.facebook.com/MissionPopulaire et le numéro de Présence de Noël en cours d’impression.
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