Véronique Mégnin, membre de la Mission populaire dans le pays de Montbéliard, raconte comment des petits cailloux deviennent des « pierres vivantes ».
Je ne sais pas si vous connaissez ce jeu qui depuis quelques temps, a commencé dans ma région, la Franche Comté, mais existe certainement aussi ailleurs en France et au delà. Ce jeu consiste à peindre des cailloux et à les faire voyager en les déposants au hasard de promenades. Le déposeur de galets prend une photo de son caillou, du lieu où il l’a laissé et partage sur un réseau social. Les abonnés du groupe peuvent ainsi découvrir où sont cachées les pierres décorées, les trouver et les déposer à leur tour dans un autre lieu. Sur le réseau, les chercheurs signalent leur trouvaille, ceux qui ont caché des pierres, donnent des indices et retournent voir si leurs trésors ont été découverts.
C’est un jeu amusant, il est agréable de chercher ces cailloux seul, en famille ou avec un groupe de randonneurs. Et puis cela donne surtout une bonne raison de sortir, de se promener dehors par n’importe quel temps. Décorer les cailloux ensemble est une activité à pratiquer à la maison, avec les enfants ou petits enfants. Et pour ne pas se lasser, il y a aussi des thématiques. En ce moment, il y a plein de cailloux d’automne avec des champignons, des noix, des feuilles mortes, mais aussi des cailloux « octobre rose » pour la prévention du cancer du sein, des cailloux avec une maxime ou juste un mot, il y a ceux avec les héros de films d’animation ou de BD. On commence aussi à trouver des cailloux citrouille, fantôme et toute la panoplie de trucs qui font peur pour Halloween.
Reprendre la communication
Finalement ces petits cailloux sont une nouvelle façon de communiquer et d’échanger avec d’autres par objet interposé. Un message poétique et artistique qui permet à certains d’exprimer un talent. Mais plus que cela ces petits cailloux sont un peu aussi comme des bouteilles à la mer ou des balises sur les chemins.
La chasse au cailloux permet avant tout, que des personnes isolées réapprennent à communiquer autrement, que des enfants redécouvrent la joie des promenades en famille et par la même découvrent le patrimoine local, que des artistes en herbe expriment leurs talents. Ces petits galets voyageurs transportent leurs créateurs à découvrir la région, la France et pourquoi pas le monde. Des cours de peinture sur galets s’organisent, on en fait même dans ma frat que nous allons semer pendant les randonnées hebdomadaires. Le principal dans ce jeu est que chacun y trouve de la joie, du plaisir et du partage fraternel.
Inévitablement, comme dans toute pratique, la chasse aux cailloux à ces petits travers, la marchandisation passe aussi par là. Certains font la pub pour tel ou tel stylo à peindre ou galets calibrés à acheter dans le commerce, drôle d’idée. D’autres poussent jusqu’à la fabrication pas écologique du tout, de galets artificiels en matière plastique durcissant à l’air, mais en général cette mode est plutôt sympathique. Mais cela reste plutôt marginal, le jeu est beaucoup plus innocent que cela et il réserve parfois quelques belles histoires.
Belle histoire
Au hasard de sa recherche de cailloux, une amie de la fraternité a croisé plusieurs fois un monsieur handicapé en fauteuil roulant se promenant sur les chemins goudronnés d’une piste cyclable. Juste un salut poli de la tête en se croisant sur le chemin, avant qu’elle ne rentre et se connecte sur le site des cailloux pour partager les magnifiques galets aux champignons peints qu’elle venait de trouver. Celui qui a caché les pierres lui répond aussitôt qu’elle ne les a pas toutes trouvé, il y en a encore un avec des noix peintes près du cimetière. Elle lui dit que les peintures de champignons sont magnifiques et lui répond :
– « C’est ma femme qui les peint, mais elle ne sort presque pas de la maison, alors c’est moi qui vais les cacher, mais comme je suis moi même handicapé, je les cache où c’est accessible pour moi avec un fauteuil ».
– « Ah ! Mais c’est vous le monsieur en fauteuil roulant que j’ai salué ce matin ? Vous les avez cachés là où vous pouvez accéder, et bien moi je me charge de les faire voyager un peu plus loin et bravo à vous deux ».
La dame qui a peint les champignons est une artiste qui a fait de nombreuses expositions par le passé. Suite à des malheurs dans sa vie, elle a fait une dépression et n’a pas touché ses pinceaux depuis 7 ans. Et puis voilà, qu’elle a découvert ce jeu des galets et depuis elle s’est remise à la peinture, pour le bonheur de son conjoint et de tous ceux qui découvrent ses œuvres miniatures.
Voilà ! Ces petits cailloux sont devenus pour certains des traces qui balisent leur sentier de vie. Des petits repères pour aller à la rencontre d’autres, timidement, pas directement en contact, comme ci nous nous inventions de nouvelles façons d’échanger dans cette période étrange où les contacts ne sont pas recommandés, où les distances sont de mise entre les hommes. Pourtant un peu de lien se construit avec seulement quelques pierres que le ciment de l’amitié vient unir. Pour les personnes fragiles, éprouvées par les difficultés du quotidien, difficultés exacerbées par la crise du covid, il est possible qu’un peu de leur reconstruction passe par des gestes aussi simples que de partager des petits cailloux. Ces petits cailloux d’espérance unis par la joie de partager peuvent peut-être simplement conduire vers l’amour du prochain.
«Vous êtes vous aussi des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d’offrir des sacrifices spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ. » 1 Pierre 2-5
Véronique Mégnin, ancienne équipière de la Frat’aire du pays de Montbéliard, membre de la Mission populaire évangélique.
Découvrez la Mission populaire évangélique grâce à son site internet et ses dernières actualités – en particulier de la vie dans les Fraternités – en visitant sa page Facebook.