Véronique Mégnin, équipière de la Frat’Aire (fraternité Miss pop du Pays de Montbéliard) se demande si communauté fraternelle et subventions dédiées ne sont pas contradictoires…
En cette période de l’année, partout dans nos associations, clubs divers et aussi dans nos paroisses, c’était la période des assemblées générales. Temps de regard en arrière sur l’année écoulée et temps d’élaborer les projets pour l’avenir, temps de bilan autant des activités que des finances.
Les finances parlons-en. Entre les fins d’exercices difficiles, les appels à dons et les demandes de subventions auxquels les responsables d’associations consacrent un précieux temps et qui nous font parfois même cauchemarder certains d’entre nous, que reste-t-il de l’engagement altruiste qui nous a conduit à entrer dans nos associations ?
Dans les fraternités de la Miss Pop, associations loi 1901, nous ne sommes pas épargnés par ces tracasseries et nous nous interrogeons sur la place prise par ces recherches de fond au détriment de l’objet de nos associations dont la mission première est « de faire vivre l’Evangile en milieu populaire ».
La plupart des 12 fraternités de la Miss Pop sont financées par des subventions publiques répondant à des appels à projets spécifiques dans le cadre d’un agrément centre social de la Caisse d’Allocations Familiales, des différentes orientations de la politique de la ville, des projets de cohésion sociale et de protection des populations portés par les départements, des actions culturelles éducatives émanant de la région….
Manne ou dur labeur ?
Les subventions ! Une manne pour le fonctionnement de nos associations ? Perçut comme cela peut être en partie, mais c’est plutôt le fruit d’un dur labeur, tant les dossiers de demandes de subventions mobilisent d’énergie. Celle des dirigeants et surtout celle des équipiers de la Miss pop, qu’ils soient pasteurs ou laïcs, ce travail administratif occupe plus de la moitié de leur temps de travail. La plupart d’entre eux souffrent de ne plus être assez en relation avec les participants, de ne plus avoir assez de temps pour être à l’écoute des préoccupations de chacun, plus assez de temps pour laisser place à l’imagination et réinventer le monde avec ceux qui ont besoin que leur quotidien s’améliore et change. Qu’est devenue la motivation première d’être au plus près des participants, de faire vivre la fraternité. Trop de contraintes aussi pour rester dans les clous et rendre compte aux financeurs de l’utilisation des fonds publics accordés. Il est très compliquée de faire vivre « l’accueil inconditionnel » préconisé dans nos statuts, lorsque l’on doit différencier dans nos actions chaque « catégorie de bénéficiaires » en les replaçant chacun dans la bonne case : bénéficiaires de minimas sociaux, réfugiés, demandeurs d’asile, personnes handicapées, quotient familial… Et comble du comble ne surtout pas mélanger ces publics, pour ne pas risquer de perdre la dite subvention dédiée à une action précise et qui ne s’adresse qu’à une des catégories de bénéficiaires : Un non sens lorsqu’on prône la fraternité !
Revenir aux fondamentaux
Certaines fraternités ont donc fait ce choix de se passer de subvention publique ou s’orientent tout du moins vers un mode de fonctionnement moins dépendant des subsides aléatoires de l’état, afin de vivre les vraies valeurs d’éducation populaire où chaque bénévole, mais aussi chaque participant quel qu’il soit puisse être acteur de la vie de sa frat. C’est d’ailleurs autour de ses questions de financement et du sens des actions des frats que les équipiers de la Mission Populaire réfléchissent ensemble et avec la commission recherche de fonds de la MPEF.
Devons nous prendre le risque de réduire la part des subventions pour nous recentrer sur les communautés de vie que sont les frats ? Et si nous faisons ce choix, comment faire vivre le projet avec moins de financement ? Comment réussir à le porter collectivement ?
L’expérience de mes 40 ans de travail au service de l’animation sociale dans des quartiers politique de la ville, mais aussi celle ces mêmes années dans des paroisses protestantes périurbaines d’une région industrielle de l’Est de la France et dans des associations issues du christianisme social, n’ont fait entrevoir des similitudes entre ces « publics » parfois très différents. Similitudes concernant les besoins, les attentes, voir les espoirs placés dans le partage fraternel qui demeure la seule vraie raison d’entrée dans ces diverses associations.
Ce partage fraternel, c’est ce que recherchent prioritairement les participants, même si cela n’est pas exprimé clairement lorsqu’ils poussent la porte d’une frat pour la première fois.
Communauté fraternelle
A l’occasion d’un travail de bilan diagnostic, à la question : « pourquoi es-tu venu la première fois à la frat » les réponses sont très variées : « parce que j’étais seul », « j’avais besoin d’aide », « pour des cours de français », « je suis venu acheter des vêtements à la braderie », « c’est un ami qui m’a invité à un repas », « il y avait une rencontre parlant d’un sujet d’actualité qui m’intéressait », « j’avais du temps et des savoir-faire à partager », « j’avais besoin de me sentir encore utile à quelque chose »…
A la question suivante « Et pourquoi tu viens aujourd’hui ? » Les mots qui reviennent systématiquement dans les échanges sont accueil, écoute, partage, fraternité, convivialité et solidarité.
Les textes bibliques concernant les premières communautés chrétiennes partant d’un idéal de partage à l’image de ce qu’avait vécu les disciples du Christ, laissent entrevoir, que tout n’a pas été si simple a organiser. Mais lorsque chacun trouve sa place et partage ses savoirs tous y trouvent leur compte : Celui dans le besoin qui venait chercher une aide et qui finalement devient un pilier parce que la communauté lui permet d’exercer les talents qu’il ignorait ou qu’il n’osait pas mobiliser comme celui qui pensait apporter quelque chose, « faire une bonne œuvre », et qui reçoit beaucoup plus des autres qu’il n’est venu donner, parce qu’il découvre une communauté fraternelle.
Dans cette période d’assemblée générale, avec les adhérents, les professionnels, équipiers, salariés tous doivent être conscients que ce choix possible vers moins de financement public est peut être le seul qui s’impose pour plus de liberté d’expression de tous. C’était cela qu’envisageait certainement Robert Witheker Mc All (fondateur de la Mission populaire Evangélique) lorsqu’en 1872 il ouvrait des salles aux ouvriers de Belleville pour qu’ensemble ils puissent réfléchir et agir pour l’améliorer ensemble leur quotidien en s’appuyant sur la Parole libératrice du Christ.
Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans les prières. Actes 2 : 42
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