L’Ars Nova : innovation ou déclin de la louange ?
A partir du XIVe siècle, les compositeurs ne peuvent plus taire leur désir de créativité et de complexité. En opposition à l’Ars Antiqua se créé, en France, l’Ars Nova qui encourage le développement de la polyphonie, des chants à plusieurs voix, avec la composition de motets.
Cette période est également le retour aux échanges entre musiques sacrée et profane, la première empruntant volontiers des mélodies à la seconde, plus populaires et donc plus connues de tous. La Messa L’Homme armé de Guillaume Dufay (c.1397-1474) en est l’exemple le plus connu de l’emprunt, fréquent, de la mélodie de la chanson L’Homme armé. Dans chaque partie de cette messe se cache la fameuse mélodie, comme une sorte de plaisanterie savante.
On sait que les églises étaient parmi les principaux employeurs de musiciens au XVIe siècle. Les cathédrales, avec leur maîtrise, étaient de véritables conservatoires qui enseignaient non seulement la pratique chorale mais également les techniques instrumentales et, si un don se découvrait, les rudiments de l’harmonie et de la composition. Les chœurs sont donc professionnels, dont l’importance de l’effectif dépend des moyens du prélat ou des princes à qui appartiennent la chapelle. En cette période, il est commun qu’un ou plusieurs instruments accompagnent le chœur lors des messes, en doublant ou en remplaçant les voix. L’orgue, instrument-roi, pouvait aussi remplir ce rôle tout en assumant particulièrement celui d’introduire les chants et d’alterner avec celui-ci. Ce procédé peut rappeler la pratique antiphonée, d’un chœur répondant à un autre. La messe est le genre privilégié pour les compositeurs qui, animés par se saines ambitions, peuvent y exercer toute leur science. Johannes Ockeghem (c.1410-1457) en est sans doute un des principaux représentants.
Le Concile de Trente (1545-1563) – qui fut organisé en réponse aux demandes formulées par Martin Luther – a vainement tenté de rappeler à l’ordre par un décret imposant le retour aux seules formes du chant grégorien[1]. Le compositeur Palestrina, opposé à la proposition d’interdire la polyphonie du culte, proposa cette messe afin de prouver que le chant à plusieurs voix – en l’occurrence six – est compatible avec la compréhension du texte, grâce à une déclamation syllabique et homophonique. Le Concile de Vatican II confirme la haute estime du chant grégorien et du latin dans la messe, sans toutefois les imposer comme seule pratique de la liturgie catholique[2], en insistant toutefois sur la nécessité de mélodies simples, en accord avec l’esprit des actions liturgiques. Remarquons également la promotion de la participation active des fidèles[3].
[1] BERTOGLIO Chiara, Reforming Music : Music and the Religious Reformations of the Sixteenth Century, Berlin/Boston : Walter de Gruyter, 2017, p.399.
[2] Sacrosanctum Concilium 116 : « L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place. Les autres genres de musique sacrée, mais surtout la polyphonie, ne sont nullement exclus de la célébration des offices divins, pourvu qu’ils s’accordent avec l’esprit de l’action liturgique »
[3] Sacrosanctum Concilium 30 : « Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles. On observera aussi en son temps un silence sacré. »