Le XIXe siècle : le conservatisme en réaction
En France : après la Révolution
La période aussi dynamique que trouble qu’est le XIXe siècle voit une pratique liturgique qui se cherche, à l’image de la foi et de sa pratique en général. Il est alors possible que certaines pratiques se radicalisent pour s’affirmer. D’un côté, le catholicisme, rejeté voire malmené par le peuple insoumis, se conforte dans son héritage des chrétiens des siècles passés et nourrit un fort conservatisme[1]. Elle marque également ainsi son détachement par rapport aux valeurs révolutionnaires[2].
Avec la Révolution et les pensées nationalistes émergentes, le temps est propice aux hymnes patriotiques, à l’émancipation des pouvoirs reconnus comme abusifs (la monarchie, la papauté et son Eglise) et ainsi à la louange de la Liberté, dans un souffle d’Egalité et de Fraternité. Les hymnes ou Offrandes à la Liberté ne manquent pas. On peut citer aussi L’Hymne à l’Être Suprême de François-Joseph Gossec (1734-1829), chanté à l’occasion de la Fête de l’Être Suprême du 8 juin 1794 au Champs de Mars.
Cependant, la liberté de culte permet par la suite à certains pasteurs d’exprimer leurs propres valeurs, notamment grâce à la création de cantiques, la musique étant « d’abord le véhicule de la foi ».[3] Parmi eux se détache une figure, le pasteur réformé Eugène Bersier (1831-1889), qui le premier utilise le puissant air « See, the conqu’ring hero comes » extrait de l’oratorio Joshua de G.F. Haendel (1685-1759) – qui l’avait lui-même repris pour son autre oratorio Judas Macabeus – pour son texte « Sois consolé, Sion, lève-toi », prévu pour l’Avent. Le suisse Edmond Louis Budry (1854-1932) l’imitera peu après pour y apposer son texte « A Toi la Gloire », qui deviendra, en quelque sorte, l’hymne national des protestants.
C’est effectivement le temps où l’on voit apparaître les chants de Noël qui font aujourd’hui partie obligée de nos traditions, comme Minuit chrétien (1847) d’Adolphe Adam & Placide Cappeau, ou Il est né le divin enfant (1874) sur un air de chasse du XVIIe siècle.
En Angleterre : entre conservatisme et non-conformisme
L’Angleterre est particulièrement tiraillée entre une ferveur conservatrice prônant pour le retour du chant grégorien dans la liturgie anglicane, notamment le mouvement d’Oxford vers 1839, et des églises non-conformistes, essentiellement issues des territoires ruraux et/ou évangéliques. Déjà bien avant, le pasteur baptiste Benjamin Keach avait publié en 1697 un recueil d’hymnes. Le théologien Alfred Kuen remarque que « dans les églises de la campagne, les assemblées non-conformistes créèrent leur propre musique pour les hymnes sur des mélodies très rythmées. »[4] C’est justement cette évolution venant des petites églises que voulait éviter le pape Grégoire Ier au VIe siècle (voir l’épisode 3 « La réforme grégorienne »). Les Eglises évangéliques se montrent ouvertes à des compositions nouvelles et nombre de pasteurs et prêcheurs composent paroles et musiques, en prenant entre autres exemple sur Charles Wesley (1707-1788). La pratique au XIXe siècle est donc une poursuite de celle du siècle précédent, en étant toutefois moins isolée.
[1] KUEN Alfred, Musiques.Evolution hiustorique de David à nos jours, éditions emmaüs, 2009, p.86-87 : « Chanter les cantiques d’autrefois souligne le lien qui nous unit aux chrétiens des siècles passés, mais se limiter à ces mélodies ferait vite classer le christianisme parmi les antiquités d’un âge définitivement révolu. »
[2] KUEN Alfred, Ibidem, p. 105 : « A la place de Dieu : l’Idée suprême, au lieu d’un maître : liberté – égalité – fraternité. Ces trois mots couvrent des valeurs hautement prisées par la Bible pour ne pas dire qu’elles sont opposées. »
[3] SOUTHON Nicolas, Les symphonies du Nouveau-Monde, Fayard/Mirare, 2014, p.12.
[4] KUEN Alfred, Musiques. Evolution historique depuis David à nos jours, édition emmaüs, 2009, p.84.