Liée à l’Allemagne par le traité de l’Elysée, la France s’unit à l’Italie par le traité du Quirinal.
Il y a près de soixante ans, le 22 janvier 1963, la France et l’Allemagne signaient solennellement le traité de l’Elysée, un traité de coopération appelé à sceller la réconciliation franco-allemande. Porté par le général de Gaulle du côté français et par le chancelier Adenauer du côté allemand, cet accord posait les bases du couple franco-allemand qui devait servir de socle à la construction européenne. En 2019, Emmanuel Macron et Angela Merkel concluaient à leur tour un pacte d’alliance, le traité d’Aix-la-Chapelle, qui renouvelait et complétait celui de l’Elysée. Au traité de « réconciliation » s’ajoutait, selon le président français, un traité de « convergence » destiné à renforcer le projet européen. De fait, durant toutes ces années, la France et l’Allemagne ont travaillé ensemble à l’union de l’Europe. Le traité de l’Elysée, confirmé par celui d’Aix-la-Chapelle, a été et demeure le symbole de l’exceptionnelle relation établie entre les deux pays, au service de l’intégration européenne, après la deuxième guerre mondiale.
Ce symbole d’amitié et de solidarité va s’étendre désormais à la relation entre la France et l’Italie. Les dirigeants des deux Etats ont décidé en effet de conclure, sur le modèle des traités franco-allemands, le traité du Quirinal, du nom du palais romain qui abrite la présidence de la République italienne. Signé le 26 novembre par Emmanuel Macron et Mario Draghi, cet accord vise à rétablir la confiance entre les deux pays, souvent mise à mal au cours des dernières années, en installant une coopération renforcée dans de nombreux domaines, qui vont de la défense à la culture en passant par les transitions numériques et environnementales. L’idée a été lancée en 2017 sous le gouvernement de Paolo Gentiloni, aujourd’hui commissaire européen, puis gelée sous le premier gouvernement Conte, dominé par les populistes de la Ligue et du Mouvement Cinq Etoiles, avant d’être rendue possible par l’arrivée au pouvoir de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne et Européen convaincu.
La responsabilité des grands pays
L’Italie est devenue après le départ du Royaume-Uni la troisième puissance de l’UE, derrière l’Allemagne et la France, aussi bien par sa population (60 millions d’habitants) que par son PIB. Elle a toujours été un acteur important de la construction européenne. Plusieurs personnalités italiennes ont contribué, au fil des années, au développement de l’idée européenne. D’Alcide de Gasperi, président du Conseil de 1945 à 1953, considéré comme l’un des pères fondateurs, à Mario Draghi, chef du gouvernement depuis février dernier, en passant par Altiero Spinelli, infatigable défenseur du fédéralisme, ou Romano Prodi, président de la Commission européenne de 1999 à 2004, nombreux sont les dirigeants qui ont marqué de leur empreinte l’histoire de la communauté. On pourrait citer d’autres noms qui confirmeraient la forte présence de l’Italie. Après tout, c’est à Messine qu’a été mis en route en 1955 le projet d’union européenne, à Rome qu’ont été signés en 1957 les traités fondateurs, à Milan, sous la présidence de Bettino Craxi, qu’a été lancé en 1985 l’Acte unique qui devait déboucher sur la création du grand marché.
Il était donc normal de reconnaître à l’Italie un statut qui la mette à égalité avec les deux autres grandes puissances de l’UE. Certes tous les pays jouissent des mêmes droits au sein de l’Union, mais les grands pays, à la fois les plus peuplés et les plus riches, ont une responsabilité particulière dans la définition et la gestion des politiques européennes. Si le tandem franco-allemand donne aujourd’hui le ton, il est logique de le compléter en créant, selon l’expression de l’eurodéputé italien Sandro Gozi, un « trépied » sur lequel fonder « un nouveau processus de construction de l’Europe ». Le traité du Quirinal ne se substitue pas au traité franco-allemand, il s’y ajoute pour tenter de créer, selon les mots d’Emmanuel Macron, « un réflexe franco-italien » au service du projet européen grâce à « une vision géopolitique commune ». Même si l’Europe doit continuer d’avancer à Vingt-Sept, il est utile que des pays pionniers l’incitent à presser le pas. Le trio formé par Berlin, Rome et Paris pourrait être le stimulant dont elle a besoin.