Extrait: « Où l’on découvre que l’animisme vert est incompatible avec le Dieu de la Bible et qu’il ne peut y avoir d’« église verte »

Extrait du livre « L’obscurantisme vert. La véritable histoire de la condition humaine. »

Paru aux éditions du cerf

Hier, les staliniens avaient inventé un Christ, « premier communiste du monde », aujourd’hui, certains petits bonhommes verts tentent de transformer la Bible en premier écrit vert, et les lieux de culte, en « églises vertes ». Indéniablement, les écologistes antichrétiens qui rejettent le Dieu de la Bible au nom de la Planète ont plus de bon sens. Pour eux, aucun compromis n’est possible avec le judéo-christianisme qui a nourri l’anthropocentrisme en célébrant la « prééminence » de l’humain, racine, selon eux, de la « crise écologique »[1] et de tous les crimes contre la Terre. Ils y voient logiquement une des origines du productivisme et de la course et à la croissance.[2] Et toute tentative de réconciliation leur paraît le signe de cette « écologie superficielle »[3] environnementaliste qui se contente de réformer le mode de vie capitaliste et consumériste, d’en diminuer les effets négatifs, de propulser même un « business vert » honteux, dont le label « église verte »[4]serait une nouvelle preuve.

D’une certaine façon, ces derniers n’ont pas tort. Car aucune spiritualité issue de la Bible ne peut être compatible avec le rejet de l’anthropocentrisme et de sa morale humaniste. Aucune ne peut transformer la Terre en être vivant. « Église verte » ? L’habit ne fait pas le moine.

Dès son premier verset, la Bible s’oppose à l’idolâtrie des petits bonhommes verts. 

Dès le début, la Bible distingue clairement Dieu et la Nature, le créateur de sa création. Et, elle indique que si le Dieu créateur de Max Planck existe, il ne crée pas à partir de rien, « ex nihilo ». Car créer à partir de rien ne se peut. 

« Au commencement » (Bereshit, בראשית) dit la Genèse, Dieu créa les cieux et la terre. Mais jamais il n’est dit que ce commencement serait le premier moment de l’existence de Dieu, pas plus que la table n’est le premier moment de l’existence de l’artisan ou les enfants le premier moment de l’existence des parents. Et la Bible commence par le « » de ce Bereshit, la lettre beth (ב) qui n’est pas la première lettre de l’alphabet, mais la seconde, après aleph (א).

Précisément, avant ce monde, il n’y avait pas rien, mais aleph, le souffle divin, l’énergie divine elle-même comme le remarquera Max Planck. Voltaire lui-même en convenait en imaginant un horloger. Le monde vient après, en second, créé par le « souffle », par l’énergie première.

Et on retrouve aleph, pour désigner Dieu, et dans les plus célèbres noms de Dieu, comme Elohim, (אלוהים) mais aussi au début des Tables de la Loi, et comme première lettre d’Abraham ou Adam (אדם) qui signifie « humanité », « homme et femme ». 

Ainsi, est écartée toute interprétation qui réduirait l’humanité un produit de la Terre-Mère, à un de ses « écosystème ». Le corps humain est bien composé de terre, de la poussière du sol de la planète (adamah), comme tout ce qui est, de quarks et de leptons, mais, il ne devient humanité que par le souffle divin. Son corps est l’union indissoluble de cette poussière et de cette forme spirituelle humaine.

Et ce Dieu de la Genèse interdit de réduire l’humanité à une autre espèce vivante dans une sorte de « biosphère » dont elle serait un maillon de la chaine. Ce qu’est la condition humaine ? « Faisons l’humanité à notre image, selon notre ressemblance, et qu’elle domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques et sur toute la terre, et sur les reptiles qui rampent sur la terre. »[5]

Ainsi, l’humanité n’est pas même une partie de la nature puisqu’elle doit la dominer et tout ce qui s’y trouve. 

Mais que signifie donc cette « image » de Dieu ? Longtemps, la tradition s’est trompée. Emportée par son souci légitime de rompre avec l’animisme, avec cette croyance aux esprits de la nature, avec l’idée que l’humanité ne serait qu’un réceptacle de forces tutélaires ou un amas d’atomes, elle a voulu séparer radicalement le corps de l’âme, elle a voulu croire qu’être humain serait avoir une pensée, un intellect, une intelligence. C’est pourquoi Carl von Linné, appela l’espèce du genre Homo qui avait survécu aux holocaustes de la nature, « Homo sapiens », le terme latin « sapiens » signifiant « intelligent », « raisonnable ». 

Mais la raison montre que beaucoup d’espèces pensent, y compris ces animaux qui chassaient l’humain depuis 7 millions d’années. Ce qui différencie l’humanité des autres ce n’est donc pas l’intelligence. 

Et dire l’humanité « plus intelligente » que les autres espèces revient à croire seulement quantitative la différence entre l’humanité et les autres vivants. C’est d’ailleurs cette illusion qui est cause de l’erreur des transhumanistes radicaux[6], étudiée en détails dans un précédent ouvrage.[7]En voyant les progrès de l’informatique, ils ont conclu possible le surgissement, un jour, d’une Super Intelligence qui rivaliserait avec l’humanité, puis la dépasserait et l’ingérerait. Ce qui suppose non seulement de réduire l’intelligence à quatre fonctions mais, surtout, de réduire l’humanité a son intelligence. 

Or, la Bible ne dit pas que l’humanité serait « plus à l’image » de Dieu que d’autres vivants mais qu’elle est la seule à être à son image. Une différence qualitative.

Et, à ce moment du récit de la Genèse, nul ne connait les pensées de Dieu, seulement qu’il crée, et qu’il crée l’humanité « à son image ». C’est donc l’image du Dieu créateur qui s’impose, confortée par le fait que lorsque Dieu définit la condition humaine, il lui demande de « dominer » la nature, donc d’être créateurs. 

Ainsi, selon la Bible, le Créateur crée des humains à son image : créateurs. Et le propre de la nature humaine, ce qui fait que l’humanité n’est pas une espèce animale parmi d’autres, sa « quiddité » aurait dit Aristote, c’est qu’il est créateur, Homo creator et non Homo sapiens.

Dans la Bible, il ne s’agit évidemment pas d’une égalité entre l’humanité et le Dieu à la puissance infinie. L’humanité ne va pas créer demain galaxies et trous noirs. Il s’agit seulement d’une « analogie », aurait dit Thomas d’Aquin, entre l’humanité créatrice, donc libre, et son modèle. 

D’ailleurs, un peu plus loin, la suite du texte le confirme : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre (…) Voici je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence, et ce sera votre nourriture »[8].  

Et alors, après avoir créé l’humanité, « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici cela était très bon. » Or, avant, Dieu qui avait seulement trouvé « bon » (ou « bien ») les créations de la planète et des autres espèces vivantes.  Et voilà que la création de l’humain, femme et homme, c’est « Très bon » ou, plus exactement, « éminemment bien » ( וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת-כָּל-אֲשֶׁר עָשָׂה, וְהִנֵּה-טוֹב מְאֹ; ).[9]

Oui, « éminemment » : il n’y a aucun « égalitarisme biosphérique » possible, aucune équivalence des « sous-systèmes » de la nature, aucune idolâtrie de la planète. Si le Dieu de la Bible n’existe, l’humanité a un corps créatif, une prééminence dans l’univers et il doit partir à l’assaut de la nature. 

Dieu aurait-il changé d’avis ensuite ? Étonnant. Une sorte d’équivalent du « changement climatique » de la planète ? Non. Après la chute et le déluge, à la sortie de l’arche de Noé, Dieu répète : « Soyez féconds, multipliez et remplissez la terre. Vous serez craints et redoutés de toute bête de la terre, de tout oiseau du ciel, de tout ce qui se meut sur la terre et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains. » [10]

Oui, il insiste. D’ailleurs, le voilà qui incite Abraham à refuser de sacrifier des humains, son fils Isaac, comme toutes les tribus le pratiquaient depuis des milliers d’années. Et, à la place, de lui sacrifier un bélier, un vivant, un animal… car tous les vivants ne se valent pas pour ce Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob 

Toute la bible célèbre l’« anthropomorphisme » qui conduit Dieu à passer une alliance avec Moïse, au lieu d’avec les animaux et des végétaux… jusqu’à donner à la nation juive une terre « en possession » (GenèseExodeDeutéronomeJosuéNombresEzéchiel…), leur demandant sur ce royaume d’Israël de croître et de se développer autant que possible, sans souci autre que la moralité et son salut. 

Non seulement le salut de l’humanité ne passe pas par la Terre-Mère, mais toute croyance en l’existence d’esprits de la nature, en Gaïa ou en ses ersatz, doit être combattue sans concession. Il faut se garder des faux prophètes,[11] surtout quand ils sont habillés de vert, qui prétendent parler au nom de la Bible et combattre leurs idolâtries car « vous ne vous tournerez point vers les idoles ».[12].

La moralité ? Elle passe par l’« anthropocentrie ». Car non seulement l’humanité doit dominer la nature mais aussi chaque humain doit aimer son prochain comme lui-même, au lieu des esprits naturels et des mottes de terre.[13]Et le christianisme, plus particulièrement visé par les prophètes verts, suit ce même chemin ouvert par le judaïsme avec Jésus Christ qui célèbre pécheurs et artisans, ouvriers et cultivateurs, et qui met l’humanité au centre de l’univers créé par Dieu  : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée.C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même »,[14]jusqu’au pardon, au don sans contre don, u sacrifice de soi, « comme je vous ai aimé ».[15]

Et le salut ? Il n’appartient qu’aux humains, et non aux minéraux, végétaux et animaux. Ainsi est-il prouvé que pour la Bible l’humanité est bien au centre de cette création que l’on appelle l’univers. 


[1] White, Lynn, “The Historical Roots of Our Ecological Crisis”, Science, 155, 1203-1207, 1967

[2] Leopold, Aldo, Almanach d’un comté de sable, Paris, Garnier-Flammarion, 2000, p. 14-15

[3] Næss Arne, « The Shallow and the Deep : Long-Range Ecology Movements : A summary », Inquiry, 16 (1-4); 95-100,, 1973.

[4] https://www.egliseverte.org, consulté le 1 septembre 2°021

[5] Gn, 1.26 Nous utiliserons indifféremment les traductions de Louis Segond de la Bible de Jerusalem, qu ne diffèrent pas qualitativement dans ce qui suit.

[6] Kurzweil Ray, The Singularity Is Near: When Humans Transcend Biology, New York : Viking Books, 2006

[7] Roucaute, Yves, Le Bel Avenir de l’Humanité, Paris, Calmann-Lévy, 2019.

[8] Gn, 1.29-30

[9] וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת-כָּל-אֲשֶׁר עָשָׂה, וְהִנֵּה-טוֹב מְאֹ; dit le texte en hébreu, traduction sous la direction du Grand-Rabbin Zadoc Kahn

[10] Gn. 9.2-3

[11] Mt. 24, 4-5

[12] Lv. 19.4.

[13] Lv. 19.18

[14] Mt.37-39

[15] Jn, 13