Pour surmonter l’épreuves de la pandémie, voici quelques idées de cadeaux.
Rien n’est idiot comme de dénigrer les marronniers. D’abord parce que ces arbres à la végétation généreuse bercent à Paris l’Institut Protestant de Théologie. Ensuite parce que ce sont des sujets sages, obéissants, qui viennent à l’heure, et non de ces accidents de l’actualité qui brisent le cœur et provoquent l’émoi. L’auteur de ses lignes appartient, si l’on en croit la subtile classification de l’historien Jean-François Sirinelli, à la génération du jouet. Les automobiles en plastique et les panoplies de Zorro ne sont plus de son âge- on l’espère pour sa santé mentale. Mais il conserve une inclination presque enfantine pour la bonne humeur et l’offrande. Alors il ne résiste pas à la tentation, tandis que nos concitoyens courent les rues, bravant la pandémie pour préparer Noël, de proposer un petit éventail de cadeaux. Est-ce un marronnier ? Certes oui. Mais pour donner du plaisir.
Nicolas Guillerat, John Scheid et Milan Melocco composent une équipée sauvage, alliant science classique et graphisme contemporain. Leur ouvrage grand format se nomme « Infographie de la Rome antique » (Passés/composés, 130 p. 27 €). C’est une merveille. Prenez l’exemple du Cursus Honorum au IIème siècle av. J.-C. Qui n’a pas souffert, en ses jeunes années, à tenter de comprendre la carrière d’un questeur ou d’un tribun de la plèbe ? En deux temps trois mouvements, tableaux limpides agrémentés d’un commentaire synthétique, nos experts nous éclairent. En dessinant la carte des communautés juives et de la diffusion du christianisme, ils nous dévoilent les premières diasporas, les implantations chrétiennes, d’une certaine façon la répartition des croyances minoritaires dans l’Empire. Ils nous font aussi admirer le siège d’Alésia mais, puisque c’est un mauvais souvenir, passons…
Aux amoureux de politique on recommande « Le nombre et la raison », de Patrice Gueniffey (Le Cerf, 566 p. 24 €). L’analyse des élections durant la Révolution Française en est le sujet. Il s’agit de l’édition nouvelle de la thèse que publia cet historien fameux voici plus de vingt-cinq ans. « Le suffrage est le cœur même de la citoyenneté donc de l’exercice de la souveraineté populaire, nous a déclaré l’auteur. Entre 1789 et 1799, Il suscite une attention constante, génère des lois, des expérimentations multiples. Les révolutionnaires inventent tout : les critères qui définissent la citoyenneté, les conditions qui permettent de supposer qu’un citoyen va pouvoir exprimer un point de vue libre, indépendant, la manière dont s’agrègent les voix, comment concilier tout cela avec un vote en assemblée. De surcroît, toute la France participe à l’élaboration du système : les administrations locales font remonter à l’échelon national aussi bien les litiges que des solutions pratiques permettant de construire l’avenir. » Mais, surprise qui donne à cette recherche sa singularité, tout cet effort n’a pas d’influence directe sur les événements; jamais un changement de majorité n’est décidé dans les urnes. L’aridité du chemin ne doit pas vous effrayer, car Patrice Gueniffey possédait dans sa besace, il y a presque ans trente ans déjà, des réserves d’humour comme une poire pour la soif.
Anticonformistes, les protestants seront heureux de lire l’ouvrage de François Azouvi, « Français, on ne vous a rien caché » (Gallimard, 600 p. 24€). De quoi retourne-t-il ? De la Résistance, de Vichy, de notre mémoire. A ce triptyque, mille fois rebattu, l’historien du CNRS et de l’EHESS apporte un éclairage formidable. Contre ceux qui projettent leur obsession du complot sur les années passés, le voilà qui démonte, une à une, les idées reçues. Un, de Gaulle n’a pas été le grand mystificateur faisant croire aux Français qu’ils ont tous été résistants ; deux, jamais les collaborateurs et leurs crimes n’ont été glissées sous le tapis de la vie collective ; trois, l’idée selon laquelle un grand dévoilement s’est opéré au cours des années soixante-dix est un mythe, une légende inventée par une génération soucieuse de se hausser du col. On ne vous en dit pas plus, mais il faut absolument vous procurer cette étude imparable et salutaire.
On achève ce panorama par une invite à visiter les librairies du vieux temps: à La Rochelle, on trouve La rumeur des âges, à Angers Candide, au bord de la Seine de pittoresques échoppes, agrippées à la pierre, qu’apprécient les rêveurs de la rue de Bièvre ou de la rue Galande.
Et puis, n’oubliez pas les revues. Chaque jour, notre portail vous encourage à la lecture des publications protestantes, si riches en invention, qui méritent votre appui fidèle et chaleureux. Cerise sur le gâteau, vous pourrez ajouter au pied du sapin L’Histoire, un magnifique mensuel que dirige une femme épatante, Valérie Hannin.
Serait-ce tout ? Pas tout à fait. Nous avons le désir de prolonger l’année Beethoven. Or, l’une des plus grandes formations de chambre actuelle est française. Le quatuor Ébène a enregistré en public, tantôt dans des lieux traditionnels, tantôt dans des précarité, l’intégralité des quatuors de Beethoven. S’il ne fallait choisir qu’un coffret pour Noël ce serait celui-là. Comme un appel à la naissance du monde.