Cet historien de la culture, qui vient d’être élu à l’Académie française, associe l’éclectisme à la rigueur intellectuelle.
La voix timbrée du côté des médiums-aigus, le regard bleu de ciel, une façon de se tenir- souple, sans ostentation- de marcher vers l’avenir-le cœur léger: la jeunesse de l’esprit. Pascal Ory jamais ne se transforme en « Assis ». Qu’il analyse un numéro de Comœdia, des programmes politiques, ou bien qu’il écrive des récits presque mystiques, il explore dans le passé des veines inédites, puis il revient à la surface des choses, rieur, avec cet air de dire : « encore une idée reçue que je vais vous démonter ! »
C’est un historien, bien sûr. Il faut choisir un mot pour désigner sa profession. Mais il est davantage, puisqu’il s’intéresse à la pataphysique, à Robert Doisneau, la Bretagne et René Goscinny. La culture occupe la première place dans son champ de recherches. La culture dans l’acception classique, mais pas bourgeoise- pour pasticher Claudel. A ses yeux, le strass et le rideau rouge des music-halls tiennent un rôle fondamental, révélateurs d’une époque, imprégnation, mémoire de l’eau. Cet homme de science laisse vivre ses personnages ou ses sujets d’études en liberté, pour mieux cerner leurs particularités. Dans les zones grises de l’Occupation, beaucoup mieux que d’autres, il a su distinguer la tragédie sous le masque et la faiblesse humaine au coin des rues.
Pascal Ory travaille beaucoup. De là son intégrité quand il appréhende un mouvement de l’art, un rapport au monde. Il a suffisamment bourlingué- quelque chose nous dit qu’il aime Cendras- pour ne pas s’en laisser compter par les professionnels de la pose, les moralisateurs en tout genre.
La modération n’est pas son tropisme. Quand Pascal Ory dit « non », terminant quelque démonstration par une sentence au trébuchet pesée, rien ne sert d’argumenter. Par un soir d’automne, il y a six ans peut-être, il nous avait déclaré qu’il n’existe pas de leçons de l’histoire et, quoique l’on ne se résignât point à voir s’effondrer le rêve d’une génération comme un petit château de plage, on s’en était allé silencieux : jouer contre Kasparov une partie d’échecs était au dessus de nos forces.
Voici quelques mois, Pascal Ory a publié Qu’est ce qu’une nation ? (Gallimard, 465 p. 28 €). Dans cet ouvrage qui reprend la question de Renan, l’historien constate la vitalité de cette espérance collective. Il en décrit les formes contemporaines, étonnantes parfois, la réincarnation dans des marqueteries de territoires- en Confédération Helvétique par exemple. A ceux, fort nombreux, qui s’effraient d’avoir un jour à choisir entre la nostalgie la plus rance et des élucubrations sans frontières, Pascal Ory propose une alternative, une réflexion profonde rédigée de manière fluide, élégante, un sourire à la boutonnière.
Notre homme vient d’être élu à l’Académie française, au premier tour de scrutin s’il vous plaît. Cette institution, le phénomène est trop peu souligné, devient l’un des endroits les mieux fréquentés du pays. Pendant ce temps, rue Saint Guillaume, c’est la nuit de Walpurgis. Une personne va bientôt succéder à Olivier Duhamel à la tête de la Fondation Nationale des Sciences Politiques et les insultes, les noms d’oiseau, les rumeurs pleuvent comme à Gravelotte. On espère que Nonna Mayer et Pascal Perrineau, deux personnalités de valeur embarquées dans une sinistre bataille, surmonteront l’épreuve. On espère surtout que… Mais, mais…mais…mais… Ne nous égarons pas ! Revenons à l’essentiel.
Le saviez-vous ? Pascal Ory vit à Chartres, dans une maison où dormit Henri IV à la veille de son sacre. Ne mériterait-il pas d’être fait « protestant d’honneur » ? Comme on disait jadis aux Bouffes-Parisiens: « Faisons un rêve ! »