Le week-end de la Pentecôte et l’ouverture des librairies vous invitent à la lecture.
Velin, Vergé, velours, à la fin c’est tout comme : le murmure des pages que l’on tourne procure un même envol, ivresse du colibri, de la colombe, ou du Rouge Gorge – un vin de merveille que produit le Domaine de la Bellivière. La Pentecôte s’annonce. On ne promet pas l’Esprit saint, mais des ouvrages de qualité, comme on en trouvait, jadis, en vitrine, Aux Dames de France.
Commençons par Jules. Un général qui ne manquait ni d’autorité, ni de Lettres, et ne savait pas franchir une rivière sans faire des phrases. Alessandro Garcea, professeur de littérature latine à la Sorbonne, publie Tout César en collection Bouquins (960 p. 30 €). Les Commentaires y tiennent la place d’honneur, guerre des Gaules, guerre civile, victoires au détriment de Vercingétorix et de Pompée. L’amorce concernant les Helvètes nous ravit : « Leur population nombreuse, la gloire de leurs armes, le sentiment de leur courage rendaient trop étroit pour eux un pays qui avait deux cent quarante milles de longueur sur cent quatre-vingt milles de largeur. »
La façon dont l’auteur- qui parlait de lui, chacun le sait grâce à René Goscinny, à la troisième personne du singulier- décrit les peuples de chez nous fait plus de peine: « connaissant la légèreté des Gaulois et sentant déjà l’impression qu’un seul combat avait faite sur eux, il ne voulut point leur laisser le temps de prendre un parti. »
Cette vista militaire, d’autres en usèrent d’abondance. Ouvrant la plaie de 1870, Thierry Nélias étudie L’humiliante défaite (à paraître le 10 juin chez Vuibert, 336 p. 21,90€). Le récit d’un effondrement militaire, associé de manière élégante aux petites manies de la vie quotidienne, devrait plaire aux amoureux des divertissements littéraires.
Parce qu’il n’est pas de journée qui vaille dans ce pays sans que l’on parle des affaires de la Cité, achevons ce panorama par un Tract. Il ne s’agit pas d’un dépliant de militant mais d’une collection. Le 4 juin, Jean-Noël Jeanneney publiera « Virus Ennemi, discours de crise, histoire de guerres » (Tracts, Gallimard, 64 p. 4,90 €). Sans donner de leçons, posant là des connaissances incontestables, ici les termes d’un débat contradictoire, l’historien puise dans le flot de la Grande Guerre ou dans la débâcle de 40 les sources d’une compréhension de notre temps.
Regrettant que les responsables politiques d’aujourd’hui se cachent derrière les médecins face à la pandémie, l’ancien président de la Bibliothèque Nationale de France formule un rappel au devoir des élus, «on attend autre chose de leur lucidité et de leur courage », et rappelle quelques références chères aux protestants: « Max Weber, dans un livre célèbre qui date de 1919 et qui est nourri de l’expérience du conflit, « Le Savant et le politique », posait avec limpidité la différence entre la tâche de l’un et celle de l’autre. Son opposition est fameuse entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. La spécialisation des savants dans un domaine exige d’eux une impartialité maximale par rapport aux émotions collectives, une neutralité rigoureuse envers les passions environnantes. L’homme d’État, pour sa part, placé dans une conjoncture toujours singulière et unique, exerce ses choix en fonction de ses valeurs morales et des forces au travail qui sont elles-mêmes nourries de bien d’autres facteurs que la quête abstraite d’une vérité – celle-ci étant d’ailleurs, par nature, toujours sujette à révision.»
Puisque tout finit par des chansons, laissons notre esprit voler vers Israël, dont deux jazzmen nous offrent une mélodie d’Ellington, un peu de l’Esprit de la Loi…