Brève biographie « protestante » de l’écrivain catholique résolument anti-protestant Paul Claudel (1868-1955).
Paul Louis Charles-Marie Claudel est né le 6 août 1868, la même année que Charles Maurras, par un grand soleil, dans l’ancien presbytère catholique qui s’adosse à l’église de Villeneuve-sur-Fère dans l’Aisne. Il est le fils de Louis-Prosper Claudel, haut-fonctionnaire, et de Louise-Athénaïs Cerveaux, nièce du prêtre du village. Il a un frère Charles-Henri, décédé quelques jours après sa naissance, en 1863, et deux sœurs, Louise, pianiste, décédée en 1935, et Camille, sculptrice, décédée en 1943 dans un asile d’aliénés du Vaucluse, où elle était internée depuis 1915. C’est Camille qui lui avait offert sa première Bible, dans la traduction du protestant genevois Louis Segond.
Paul fut baptisé catholique le 8 septembre 1868, journée qu’il aurait tant aimé qu’elle correspondît à la fête de la Sainte Vierge. Sa scolarité se déroule au gré des mutations professionnelles de son père. Il est allé à l’école pendant deux ans chez les sœurs de la Doctrine chrétienne à Bar-le-Duc en Lorraine. À l’âge de onze ans, il est élève au collège de Wassy, en Champagne, précisément là où commencèrent, le 1er mars 1562, les Guerres de religion, suite au massacre, par les troupes du duc François de Guise, de quelques dizaines de protestants célébrant un culte dans une grange. À l’âge de 14 ans, il lit Charles Baudelaire, fils d’un prêtre défroqué. Adolescent, Paul Claudel est élève au lycée parisien Louis-Le-Grand, dans ce qu’il appellera le bagne du matérialisme. Il y obtient un prix qui lui est remis par le vieil Ernest Renan, philosophe formé au séminaire, dont le retentissant ouvrage de 1863 sur La Vie de Jésus, provoqua la colère de l’église catholique.
En juin 1885, il assiste aux funérailles de l’écrivain approximativement catholique Victor Hugo. En juin 1886, il lit les Illuminations d’Arthur Rimbaud, alors en Ethiopie. Très profondément marqué par cette lecture, Paul Claudel interprètera la vie de je cite, « ce mystique à l’état sauvage », comme une vaine tentative d’échapper à la foi catholique jusqu’à une supposée conversion, alors que le poète trafiquant d’armes agonise sur un lit d’hôpital à Marseille, selon le récit révisionniste de sa sœur Isabelle Rimbaud. L’adolescent athée et anticlérical Paul Claudel se convertit au catholicisme quelques mois plus tard, à l’âge de 18 ans, en assistant aux vêpres à Notre-Dame de Paris, le 25 décembre 1886, alors que les enfants de la maîtrise chantent le Magnificat, purifiant, dira-t-il, son âme des ténèbres déicides du matérialisme. Très exactement deux ans après cette conversion, il fait sa seconde communion. En 1900, Paul Claudel échoue à devenir moine bénédictin à l’abbaye Saint-Martin de Ligugé.
En 1905, il a une fille issue d’une liaison avec une femme mariée, Rosalie Vetch, le grand amour de sa vie, qui inspirera une partie de son œuvre théâtrale. En mars 1906, il épouse à Lyon, Reine Sainte-Marie-Perrin, fille de l’architecte de la basilique Notre-Dame de Fourvière à Lyon. Ils ont cinq enfants. Paul Claudel exerça, pendant une quarantaine d’années, la carrière de diplomate au service de la France, de 1893 à 1936. À partir de 1903, cette carrière s’effectue sous la protection amicale de son supérieur hiérarchique, Philippe Berthelot, de confession protestante, issu par sa mère d’une grande famille calviniste, les Bréguet, dont l’histoire est liée à la paroisse réformée de l’Etoile, à Paris. Paul Claudel fut ambassadeur à Tokyo de 1922 à 1928, à Washington de 1928 à 1933, et à Bruxelles, de 1933 à 1936. Après avoir soutenu les franquistes pendant la guerre d’Espagne, il est, de juillet 1940 à juillet 1941, un soutien affiché du maréchal Pétain, à qui il consacre une ode et dont la prise de pouvoir marque pour lui la fin de soixante années de politique anti-catholique, avant de s’en détourner radicalement à partir d’août 1941 et de soutenir de Gaulle à qui il consacrera un poème en décembre 1944.
Paul Claudel est l’auteur d’une œuvre dramaturgique et poétique au lyrisme puissant, marquée par le catholicisme et par sa lecture assidue de la Bible. Auteur rude et rocailleux, ses œuvres principales furent Tête d’or, drame symboliste sous influence rimbaldienne composé dès 1889, Partage de midi, pièce transposant son histoire d’amour avec Rose Vetch, en 1906, Cinq grandes odes, œuvre poétique rédigée sous forme de versets, en 1910, l’Annonce faite à Marie, mystère créé en 1912, contant la transformation au quinzième siècle d’une jeune fille en sainte, et le Soulier de Satin, drame mystique de l’époque des conquistadors, d’une durée de onze heures dans sa version complète, composé en 1929, dont la musique fut confiée en 1943 au compositeur suisse protestant Arthur Honegger, avec qui Claudel avait collaboré trois ans auparavant pour un oratorio intitulé Jeanne d’Arc au bûcher. Grand-croix de la Légion d’honneur, Paul Claudel fut un membre tardif de l’Académie française où il fut reçu en 1946 par le romancier catholique François Mauriac. Il décède le 23 février 1955, à l’âge de 86 ans. Ses funérailles ont lieu cinq jours plus tard, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, où fut jouée une pièce de Jean-Sébastien Bach, le compositeur luthérien par excellence.