« Soyez toujours joyeux, priez sans cesse ».
Lorsque je m’entends lire ces mots issus de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens, je lève les yeux vers l’assemblée silencieuse qui m’écoute. Face à moi seize détenus, des hommes, et les quatre murs d’un centre de détention. Des murs aussi gris que l’est le ciel de cette matinée de juillet. En allant me rassoir, je réalise combien il doit être difficile de suivre cette injonction en prison. Comment appeler des personnes reconnues coupables, qui n’ont pas joui de leurs libertés depuis des années, à ressentir ce sentiment de plénitude que le Seigneur fait naître dans le cœur des croyants ?
Être heureux dans un lieu de privation de liberté est un combat de tous les jours. Un combat contre soi-même et contre les autres. « J’arrive aujourd’hui à être heureux en prison, mais quand les autres détenus voient que je le suis, ils me cassent. Je dois me battre face à leurs réactions », me confie l’un d’eux. Pour moi aussi, réussir à ressentir la joie face à des hommes reconnus coupables de crimes graves n’est pas une mince affaire. Mais à travers leurs témoignages, je prends conscience de toute la beauté que représente cette invitation à vivre la joie en prison. Ce même détenu rajoute ensuite qu’il espère chaque fois que les cultes et les messes auxquelles il assiste s’éternisent, car ils lui font oublier sa condition et la prison. Un autre témoigne du feu intérieur que fait brûler la Foi en lui.
Ce matin-là, je comprends que la religion à toute sa place en cellule. Que si la prison est un lieu où il est particulièrement ardu de vivre ses valeurs chrétiennes, c’est aussi l’endroit où elles ont le plus de sens et où il est le plus urgent d’y être fidèle. Je pense ici à la joie, au pardon, à l’amour. Ces valeurs pansent les plaies, aident à se reconstruire et à dessiner un futur hors les murs – autrement dit, aident à la réinsertion -. Cela faisait des années que je voulais donner de mon temps auprès de personnes incarcérées. Je me suis étrangement sentie à ma place au milieu de ces détenus et de ces murs, envahie par une joie immense, une joie que je n’avais pas ressentie depuis longtemps.
Comme l’écrivait Antoine de Saint Exupéry dans Terre des hommes « L’essentiel, nous ne savons pas le prévoir, Chacun de nous a connue des joies les plus chaudes là où rien ne le promettait. » Cette matinée en centre de détention en a été une parfaite illustration.