Scènes de détention

Deux aumôniers témoignent du quotidien des détenus.

Et un sourire…

Tout au début de mon ministère d’aumônier j’ai été confrontée à une drôle d’expérience. Je faisais mes visites au quartier arrivant, j’étais vers une personne détenue dans sa cellule lorsque j’entendis de gros coups répétitifs. La personne vers qui j’étais me disait que c’était une détenue qui cognait sa table contre la porte de la cellule sans arrêt. La fois d’après lorsque je suis revenue j’avais une demande de visite au QD. J’en ai demandé l’accès auprès de la surveillante qui était très récalcitrante mais en fin de compte elle a accepté.

Devant la grille de la cellule cela m’a fait penser à une bête en cage. J’ai serré la main à la personne détenue à travers la grille, je l’ai écouté, on lui avait enlevé son bébé, elle m’a montré une photo de lui. Le fait de pouvoir en parler, de sortir tout ce qui était dans son cœur l’a apaisé. Elle a accepté qu’on décharge tous ses soucis devant le Père éternelle. J’ai prié. Peu de temps après je l’ai vu sortir de la cellule, avec 5 gars casqués et tenant un bouclier devant eux, elle m’a vu et m’a fait un grand sourire.

Y a-t-il un ange dans la salle ?

Ivan est macédonien, il m’a été présenté il y a quelques mois par Eric, son co-détenu. Il ne parle pas le français, se « débrouille » un peu en allemand et beaucoup par des gestes. Au début, lorsque je venais voir Eric, il restait silencieux, prostré sur son lit et ne m’adressait jamais un mot ni un sourire. Eric me disait en aparté combien il était difficile de cohabiter avec Ivan car il était toujours en train de pleurnicher sur sa situation, sur ses enfants qui lui manquent, sur les complications administratives dues à son statut et l’absence de solution pour son avenir. Eric ne parlant que très peu l’allemand, ils ont commencé à se forger un vocabulaire commun, mélange de français, d’allemand, de macédonien, de gestes, de dessins. Un jour, Eric fervent lecteur de la Bible, me demande si je pouvais en trouver une en macédonien. En effet, Ivan commençait à se poser des questions en voyant Eric quotidiennement prendre ce livre, le lire et trouver du réconfort. J’ai trouvé un Nouveau Testament que je lui ai remis. Il m’a remercié mais le contact n’était toujours pas établi entre nous. Je demandais parfois de ses nouvelles à Eric qui restait assez évasif « Ca va mieux, on arrive à se comprendre un peu, je l’aide dans ses papiers ».

Puis un jour Eric me dit « Je crois qu’il faudrait que tu vois Ivan». Rendez vous est pris pour le semaine d’après. Je vais le chercher, il me parait plus apaisé, il me parle de ce qu’il a trouvé dans ce livre, un sens nouveau à sa vie que tout est loin d’être résolu mais Eric l’a aidé dans toutes ses démarches administratives, judiciaires et surtout spirituelles. « Il est un vrai ange pour moi ! »

 « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).