Un témoignage sur les aumôniers de la prison de Fleury-Mérogis.
La prison est un thème inépuisable pour l’industrie cinématographique : entre drames psychologiques, enquêtes policières, récits biographiques et même comédies romantiques, chacune et chacun y trouve son compte. La réalité de la vie en prison est bien loin de ces clichés les plus variés, qui donnent une image complètement faussée des détenus, de leurs quotidiens et de leurs sentiments. Le film « La Visite » de la réalisatrice Elodie Buzuel vient apporter un regard neuf et réaliste sur le quotidien de la détention, au travers des témoignages de plusieurs aumôniers qui interviennent dans la prison de Fleury-Mérogis. Située à 30 km de Paris, elle est le plus grand centre pénitentiaire d’Europe avec 4 000 personnes. Sans aucun artifice ni aucun préjugé, la réalisatrice entre-coupe des scènes d’entretiens dans les cellules des détenus avec les interviews des aumôniers qui les rencontrent. Le film s’attarde sur les visages des personnes : les aumôniers, mais aussi les surveillants, et quelques rares détenus qui ont accepté de témoigner à visage découvert. Bien plus qu’un reportage, ce film est une confession collective, profondément humaine et pudique.
Dans cet univers de béton, les aumôniers des prisons font figures de véritables phares dans la nuit pour ceux qui les demandent. En France en 2024, on compte 1 660 aumôniers des prisons diplômés et agréés pour 77 000 personnes détenues. Au sein des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis, les conditions de détention ne sont ni mieux ni pires qu’ailleurs. La détresse est immense en prison, et le taux de suicide est six fois plus élevé que dans la population générale. Ici, enfermées 22 heures sur 24, les personnes détenues sont souvent deux par cellule et sortent rarement de celles-ci en dehors des deux heures de promenade réglementaire quotidienne. À leur demande, elles peuvent recevoir la visite d’un aumônier. Une visite juste pour parler, pour partager le silence, pour chercher un peu de normalité, une visite unique pour décharger sa peine, ou régulière pour aider à trouver sa propre issue.
Christine, Gérard, Benoît, Patricia et Louis font partie de la vingtaine d’aumôniers de toute tradition visitant Fleury-Mérogis. Eux sont catholiques et protestants, laïques ou religieux, et viennent en moyenne deux fois par semaine. Comme tous les aumôniers, ils ont passé un diplôme universitaire pour visiter les personnes détenues des bâtiments hommes ou femmes dans leur cellule. En suivant le quotidien de leurs visites auprès de Jimmy, William, Paola, Eliott, Damien, Christian, Dennys, Anyeris, Pedro, Myrlande, dit Mimi, et sa codétenue Tuyet, le film capte leurs échanges sur la faute, la culpabilité, le déni, le pardon, la reconstruction, des questionnements qui nous interrogent immanquablement sur le sens de la peine. Pour certains débute pour la première fois de leur vie un chemin intérieur fait de remises en question. En suivant les visites quotidiennes des aumôniers, le film tente de comprendre leurs liens et interroge : ces femmes et hommes peuvent-ils sortir meilleurs ?