En revenant du dernier rassemblement national des aumôniers protestants des prisons à Sète.
Ce rassemblement m’a énormément apporté tant sur le plan spirituel qu’intellectuel j’ai repensé à toutes ces années passées avec les détenus dans le Centre de Détention de Nantes. D’un côté, je reste étonné d’avoir rencontré, parlé, accompagné toutes ces personnes détenues que j’ai toujours essayées de considérer comme des personnes, d’un autre, j’ai l’impression d’avoir seulement effleuré ce ministère à la fois, intéressant, prenant et toujours attachant.
Par exemple, il nous est demandé d’être un écoutant, celui qui favorise la parole du détenu en particulier lors des visites dans les cellules et nous avions la chance, dans les centres de détention, de pouvoir circuler librement et rentrer dans leurs cellules individuelles. J’ai donc écouté mais ai-je bien entendu ce qui pouvait se cacher derrière les mots employés ? Combien de fois après être sorti d’une cellule j’ai ressenti qu’il y avait eu des non-dits, que je n’avais pas tout compris. Par contre dans la grande majorité des cas j’ai toujours été accueilli avec bienveillance, je me sentais attendu, combien de fois j’ai pu partager un bon moment, bu du Ricoré, parfois j’ai même partagé un repas préparé par le détenu. Tous ces gestes simples qui me prouvaient que j’étais attendu. Les relations ont toujours été sincères et authentiques, et quand la personne ne voulait pas me voir elle le disait clairement sans détour
J’ai aussi rencontré des détenus dans les couloirs qui m’ont invité à venir les voir bien qu’ils ne soient pas « chrétiens » et j’ai pu les rencontrer, parler, et leur distribuer des calendriers et parfois la bible et donc avoir des relations si ce n’est cordiales, en tout cas vraies. Un autre exemple, l’accompagnement, être un compagnon. Oui je les ai toujours considérés comme des personnes uniques, et j’avais une certaine satisfaction à entrer dans les cellules. Pour autant en partageant un moment avec eux les ai-je guidés vers le chemin que Christ nous a enseigné ? En effet dans toute communication interpersonnelle le « non verbal », l’attitude, compte beaucoup plus que les paroles.
Par ailleurs une question nous avait été posé lors du D.U. à Strasbourg : « De quel Dieu voulons nous être le témoin ? » Question que je pose maintenant, en ces termes : « De quel Dieu ai-je été l’ambassadeur, » Est-ce celui de l’Ancien Testament, celui de la loi ? Est-ce celui du Nouveau Testament, celui de la folie de la croix, de l’amour du prochain ? Est-ce celui d’un Dieu « religieux » moralisateur ? »
Pourtant je garde, en particulier, deux souvenirs qui resteront toujours présent en moi. Le premier c’était d’un détenu qui est maintenant parti et qui chaque fois que l’on se quittait me disait : » Que la paix de Christ soit avec toi ». Le deuxième connaissait bien la bible et quand nous avions des discussions dans sa cellule, il ne manquait pas de me citer des paroles bibliques, souvent en contradiction avec mes paroles, je le trouvais un peu trop radical, même lors des cultes il semblait se sentir supérieur à tous. Juste avant sa sortie définitive, il a eu des ennuis avec d’autres détenus qui étaient jaloux et qui l’ont accusé à tort et là son masque est tombé et il est devenu fraternel. Après sa sortie, – un autre aumônier l’avait raccompagné dans un autre département-, nous avons correspondu et nous avons téléphoné comme des amis.
J’avais envie de dire que ce ministère m’a souvent fait penser à la Parabole du semeur, soit la parole échangée n’apporte rien, elle tombe au milieu des diverses et nombreuses préoccupations de leur quotidien, soit elle sème une petite graine qui finira par germer seule ou bien avec d’autres aumôniers. Mais ces quelques moments comme ceux que je viens de citer, il y en a eu aussi d’autres, me font regretter de ne pas avoir connu plus tôt ce ministère, mal connu mais en prise directe sur la parole de Dieu.
Luc Oeschner de Coninck