Les femmes représentent près de 3000 détenues à un moment donné.
Contrairement aux idées reçues, il n’y a que peu de différences entre les femmes et les hommes incarcérés, car les actes commis conduisant à leur incarcération, leurs parcours de vie et leurs profils psychologiques sont très semblables.
Comme les hommes, elles sont très majoritairement déscolarisées dès leurs années de collèges ; en situation de grande précarité économique et sociale ; généralement en rupture de liens avec leurs proches ; souffrant fréquemment de troubles psychiatriques et d’addictions ; elles sont incarcérées aussi bien pour des actes de délinquance ordinaire que pour des crimes graves. Les actes sont essentiellement le vol, la vente de stupéfiants, l’escroquerie, les violences aux personnes, plus rarement le proxénétisme ou trafic d’êtres humains. Certaines sont incarcérées pour homicide ou tentative d’homicide, dont les victimes sont généralement leur mari ou compagnon, parfois un de leurs enfants. Si les meurtres des conjoints sont majoritairement le fait des hommes, les femmes en sont parfois les autrices : pour quatre femmes tuées par leur compagnon, un homme est tué par sa compagne.
Les deux différences majeures entre la population carcérale féminine et la masculine sont d’une part les conséquences de l’incarcération sur les liens avec les enfants, et d’autre part les antécédents traumatiques dont elles sont victimes – en particulier les agressions sexuelles, viols et violences domestiques.
Après l’incarcération de leur mère, le devenir des enfants est très variables. Certains sont confiés à leur père ou un membre de la famille (très généralement les grands-parents), ou bien sont placés à l’Aide Sociale à l’Enfance, dans des foyer ou en famille d’accueil, et en pouponnière pour les plus petits. Il arrive parfois qu’une femme enceinte soit incarcérée. Dans ce cas, elle bénéficie d’un suivi médical tout au long de sa grossesse et elle accouche en milieu hospitalier. De plus, elle a le droit de conserver son enfant avec elle en cellule jusqu’aux 18 mois de l’enfant. Certaines prisons, comme à Fleury-Mérogis ou à Rennes, sont équipées d’une unité de nursery, qui permet à la mère de donner tous les soins et suivis médicaux nécessaires à son enfant. A l’issue des 18 mois, qui correspond à la période de l’acquisition de la marche, l’enfant est confié à sa famille ou placé à l’ASE.
Lorsque les enfants sont plus grands, des parloirs familiaux peuvent être organisés pour que la mère, ses enfants et le père puissent se retrouver. Mais comme le nombre de femmes détenues est très faible en comparaison à celui des hommes, et qu’il y a donc beaucoup moins de prisons susceptibles de les accueillir, elles sont parfois incarcérées très loin de leur famille et de leurs enfants, ce qui rend la mise en œuvre de ces parloirs difficile – parfois impossible.
La différence majeure entre hommes et femmes incarcérées est la très forte prévalence des antécédents de violence : environ les deux tiers des femmes incarcérées ont été victimes de viols, violences sexuelles, violences domestiques, dans l’enfance ou à l’âge adulte. Cette dramatique réalité est l’une des principales raisons qui explique le taux élevé de précarité sociale et économique des femmes incarcérées. Elle est également l’une des principales explications du fait que les femmes incarcérées présentent fréquemment des troubles psychiatriques et des addictions. Environ un tiers de femmes incarcérées souffrent des problèmes sévères d’alcoolisme et/ou de toxicomanie aux opiacés, à la cocaïne, au crack. Trop souvent, leur consommation de drogue est un moyen d’alléger leur souffrance, ou de tenter de l’oublier. Leur consommation les conduit fréquemment à des comportements de mise en danger, tels que la prostitution, ce qui aggrave leurs vulnérabilités et les conduit à se soumettre à la domination des revendeurs de drogues qui abusent de leurs proies et les violent. Dans d’autres cas, sous l’emprise de la drogue, elles commettent des passages à l’acte (parfois meurtriers) envers leur compagnon ou leur enfant.
Si les femmes ne représentent qu’une partie minime de la population carcérale, dans la quasi-totalité des cas, leurs parcours de vie, de délinquance et de détention sont marqués par une santé mentale considérablement détériorée, que le manque de moyens médicaux, psychologiques et psychiatriques en milieu carcéral ne font qu’aggraver. Si la réinsertion des femmes incarcérées passe par une meilleure prise en charge sociale et professionnelle, elle avant toute autre chose conditionnée par une prise en compte et une prise en charge effective de leur état de santé mentale.