Qui sont les femmes en prison ? 1ère partie

Les femmes ne représentent que 3,5 % de la population carcérale, mais leurs parcours de vie et leurs actes sont très semblables à ceux des hommes.

Madame A, âgée de 28 ans, est incarcérée depuis 3 ans. Elle souffre de crises d’angoisse à l’approche de son procès. Elle rapporte avoir eu une enfance normale, ses parents étaient salariés dans la même petite entreprise et gagnaient correctement leur vie. Fille unique, ils lui ont fait faire de l’équitation, elle a obtenu son diplôme de monitrice. Dès son entrée au collège, ses parents ont pris l’habitude de la laisser très souvent seule à la maison, elle a dû apprendre à se débrouiller par elle-même pour les courses, les repas. Elle invitait des amis, qui l’ont initiée à la drogue. A l’âge de 24 ans elle a arrêté son métier de monitrice, car ses addictions se sont aggravées, et elle s’est mise en couple avec un homme qui lui fournissait sa consommation quotidienne. Après deux ans de vie commune, elle l’a quitté du fait des violences conjugales qu’elle subissait. Il a voulu l’empêcher de partir en voiture, elle l’a renversé volontairement, puis lui a roulé dessus pour s’enfuir. Elle parle avec beaucoup d’émotions de son parcours, elle regrette son passé et suit une thérapie depuis son arrivée en détention.

Madame B, 30 ans, est arrivée il y a deux jours en détention, elle est employée de maison au Brésil. Elle a été abandonnée par ses parents à la naissance, placée dans un orphelinat, puis recueillie par une tante à l’âge de 16 ans. Elle a pu finir sa scolarité tout en s’occupant des enfants en bas-âge de sa tante. Mère et mariée à 19 ans, elle a perdu son mari quelques années plus tard, des complications d’une opération chirurgicale. Elle a accepté la proposition d’un ancien ami de son mari de transporter de la drogue en Europe – faire la mule –, et a été arrêtée à la descente de l’avion. Elle se culpabilise d’avoir confié son fils de 13 ans à sa tante, et ne sait pas comment lui expliquer la situation, car elle lui avait dit qu’elle partait pour une semaine de vacances avec une amie. Comme elle ne parle pas le français, l’entretien se fait à l’aide d’une autre détenue, brésilienne de 23 ans, également incarcérée pour avoir fait la mule. Elle est célibataire, travaille comme secrétaire de direction, elle avait accepté de faire la mule pour avoir un accès à un crédit bancaire, afin de s’acheter un appartement.

Madame C, 25 ans, n’a jamais connu son père. Sa mère est cadre supérieure dans une grande entreprise. Elle a subi des attouchements sexuels de la part de son grand-père entre 9 et 13 ans. Il l’a violée à l’âge de 13 ans, mais elle n’a jamais osé en parler à sa mère, car « elle est trop proche de mon grand-père, elle ne m’aurait pas crue ». Elle a été incarcérée pour des violences sur sa fille ainée, âgée de trois ans et pour la suspicion du meurtre de son fils âgé d’un an. Son compagnon vient régulièrement lui rendre visite, et après un rapport sexuel clandestin lors d’un parloir, elle est tombée enceinte. Après l’accouchement, son bébé a été placé dans une pouponnière à trois jours de vie. De retour en détention, elle est agressive, provocante et tient des propos orduriers contre les surveillantes. Elle ne parle qu’à peine de son bébé, mais insulte abondamment le juge qui l’a placé, car elle voulait le garder avec elle en cellule jusqu’à ses 18 mois, comme l’y autorise le règlement pénitentiaire.

Madame D, 36 ans, est née dans une famille d’agriculteurs et a grandi dans petit village. Elle explique qu’à l’adolescence : « on savait pas quoi faire, on n’avait pas le permis, on restait dans le village à s’emmerder ». Pour lutter contre l’ennui, elle a commencé à fumer du cannabis, puis elle s’est mise à inhaler de l’héroïne à l’âge de 15 ans. Après quelques petits boulots, elle a commencé une formation d’aide à la personne, mais a dû arrêter à cause de ses consommations de drogue. Elle explique qu’elle aurait été brièvement hospitalisée en psychiatrie à ses 17 ans, puis à nouveau à 21 ans, mais elle ne donne aucune précision, évoquant seulement un vague diagnostic de dépression. Depuis l’âge de 20 ans, elle vole et se prostitue pour acheter de la drogue. Après un cambriolage, elle a été incarcérée dans une prison proche de son domicile, mais comme son frère y était surveillant, elle a été transférée dans une autre prison, loin de sa famille, qui ne peut plus venir lui rendre visite. Elle décrit son parcours en assumant tous ses faits et gestes, sans chercher de justification, expliquant qu’elle aime la consommation de drogue, et elle affirme qu’elle arrêtera le jour où elle aura un enfant. A la suite de son incarcération, un expert psychiatre l’a examinée et a posé un diagnostic de schizophrénie, cette maladie mentale aurait vraisemblablement débuté peu après sa majorité.

Madame E, 24 ans, explique qu’elle a fait une tentative de suicide pour protester contre le fait que les surveillants auraient refusé de l’envoyer en promenade. Puis, au cours de l’entretien, elle finit par dire qu’elle a agressé une surveillante qui lui aurait manqué de respect, et qu’elle a donc fait son geste suicidaire pour ne pas aller au quartier disciplinaire. Elle est impliquée dans un trafic de cannabis et d’héroïne depuis ses 17 ans, mais elle n’en consomme jamais car « [elle] voit ce que ça fait à ses clients, [elle] ne veut pas devenir comme eux ». Elle rapporte que plusieurs de ses amis sont décédés dans des contextes de guerre de gangs rivaux, c’est pourquoi elle a toujours une arme à feu sur elle. Avec cette arme, accompagnée d’une amie, elles ont assassiné un ancien complice qui essayait de les racketter.