L’incarcération dans le monde

Pour comprendre les mécanismes de l’incarcération en France, il est utile de la comparer à d’autres pays.

Alors que Robert Badinter est reçu au Panthéon il est important de rappeler sa conviction profonde à propos de l’incarcération et de l’exemplarité : « lorsque les voyous commettent des infractions, ils ont d’abord la certitude de ne pas se faire prendre ; ils ne commettent pas leurs infractions avec un code pénal sous le bras : c’est la réalité, ne l’oublions pas ». L’incarcération et la lourdeur des sanctions sont-elles les seules et meilleures réponses aux crimes et aux délits ? Mais il n’est pas ici question de promouvoir un supposé laxisme mettant en péril la sécurité de la société entière. La sanction doit exister en réponse à un crime ou un délit. Se soucier du sort des délinquants, assurer leur défense et leur dignité ne peut se faire au détriment du sort des victimes ou des proches des victimes.

Cependant l’article premier de la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénalesmentionne que, « afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

1° De sanctionner l’auteur de l’infraction

2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ». (art. 130-1 du code pénal)

La sanction n’est donc pas oubliée mais dès ce premier article l’accent est mis sur cette mission tout aussi essentielle pour l’institution judiciaire de favoriser la réinsertion dans le tissu social du criminel ou du délinquant. Comparons alors dans un premier temps la corrélation entre taux de criminalité et taux d’incarcération pour les pays suivants (le taux de criminalité est un index prenant en compte, pour comparer les pays, 23 facteurs de différentes études et le taux d’incarcération est le nombre de personnes détenues pour 100 000 habitants)

PaysIndex de criminalitéTaux d’incarcération
France44.8123
Etats-Unis50.7541
Brésil69.7416
Angleterre41.7142
Pays-Bas34.964
Norvège26.254

Trois groupes se distinguent :

Etats-Unis et Brésil : index de criminalité élevé mais taux d’incarcération élevé

Pays nordiques : index de criminalité bas et taux d’incarcération bas

Angleterre et France à mi-chemin sur les deux paramètres.

Affirmer, à la lecture de ce tableau, que moins on emprisonne moins il y a de crimes est bien évidemment une erreur car il ne suffit pas de limiter l’incarcération pour faire baisser le taux de criminalité. Mais ces chiffres viennent battre en brèche, comme l’évoquait Robert Badinter, l’idée communément répandue qu’il faut incarcérer (voire exécuter dans de nombreux pays dont les Etats-Unis) pour prévenir la délinquance : l’exemplarité de la peine n’est pas si dissuasive que ça et c’est bien plus la certitude d’être sanctionné qui sera efficace que la privation de liberté pour une période plus ou moins longue. Ce qui confirme la nécessité de sanctionner. Mais sanctionner comment ? Quels dispositifs mettre en œuvre ?Reprenons nos 3 groupes de pays pour survoler le mode de fonctionnement de leur système judiciaire.

Etats-Unis et Brésil : système répressif, recourant à la peine de mort et des durées d’incarcération assez longues. De plus, pour le Brésil des conditions d’incarcération très dégradées entraînant une délinquance très élevée à l’intérieur des prisons.

France et Angleterre : durcissement des peines en Angleterre, population carcérale élevée au regard des capacités d’incarcération pour les deux pays et un accompagnement limité lors du parcours pénal et pour la réinsertion à la sortie.

Pays nordiques : politique centrée sur la réhabilitation, courtes peines pour de nombreux délits, forts services de réinsertion en relation avec des taux de récidive assez bas en Norvège et à une meilleure réinsertion sociale.

Ainsi, sans vouloir simplifier à l’extrême le sujet de la sanction des délinquants, la comparaison des systèmes des Etats-Unis et des pays nordiques semble bien prouver que l’accompagnement des auteurs assure une plus grande sécurité pour l’ensemble de la société que l’incarcération seule. Il faut ajouter à cela que le recours à l’incarcération systématique accroît le problème de surpopulation carcérale alimentant ainsi l’augmentation de la délinquance carcérale et l’enracinement de certaines personnes détenues dans la criminalité. Précisons avant de poursuivre qu’il existe toujours des cas où la remise en liberté reste problématique pour des sujets atteints de troubles psychiatriques graves. La faiblesse des dispositifs de suivi et de soins en santé mentale ne permet pas d’assurer la sécurité de la société en livrant à eux-mêmes ces personnes. Mais il ne faut pas que ce faible pourcentage de la population carcérale justifie toute la politique carcérale. En France les alternatives à l’incarcération existent mais insuffisamment utilisées pour des diverses raisons comme les Travaux d’Intérêt Général. Par ailleurs l’action des services de réinsertion est limitée par la faiblesse des effectifs mais il est certain qu’elle est capitale pour réduire le nombre ou la durée des incarcérations au même titre, comme