Dieu, l’homme et le cerveau. Le défi des neurosciences (Peter Clarke)

C’est avec tristesse que j’ai appris il y a quelques jours la mort (soudaine et prématurée) de Peter Clarke survenue le 16 septembre 2015. Je l’avais rencontré au début de l’été dans le cadre d’un réseau chrétien, ce qui avait été l’occasion pour moi de découvrir ses travaux.

L’auteur

Peter Clarke était professeur associé à l’Université de Lausanne (Suisse). Il enseignait l’anatomie et la neurobiologie jusqu’à sa retraite en 2012 et menait des recherches sur la mort neuronale. Il était par ailleurs très investi dans les réseaux universitaires évangéliques et notamment le Réseau des Scientifiques Évangéliques (R.S.E).

Dans cet article, je présenterai brièvement un de ses livres destiné au grand public : Dieu, l’homme et le cerveau. Les défis des neurosciences

Enjeux scientifiques et théologiques

Lorsque l’on parle du rapport entre science et foi, on pense souvent à la théorie de l’évolution, pourtant d’autres découvertes scientifiques peuvent défier la foi. C’est le cas en particulier des neurosciences. 

Plan du livre

Le livre est très court mais idéal pour introduire le sujet. Il est composé de huit chapitres : 

Chapitre 1. Les défis des neurosciences

Chapitre 2. De la matière qui pense ? 

Chapitre 3. Un ordinateur à neurones ? 

Chapitre 4. Et l’âme dans tout ça ? 

Chapitre 5. Cerveau et responsabilité

Chapitre 6. Dieu dans le cerveau ? 
Chapitre 7. Face à la mort

Chapitre 8. L’avenir 


Résumé 

Peter Clark commence par nous présenter brièvement l’histoire des neurosciences et les grands principes de la discipline en nous expliquant en quoi ces découvertes peuvent être un défi pour la foi chrétienne et en soulignant le fait que certains athées utilisent ces découvertes pour affirmer l’inexistence de Dieu. 

Il nous explique ensuite comment lui-même parvient à concilier sa foi personnelle et son travail scientifique et montre bien que ces découvertes scientifiques ne sont pas incompatibles avec la foi chrétienne, même si elles nous obligent à réviser certaines idées reçues, comme le dualisme corps-âme. Il envisage ensuite la question de la responsabilité de l’individu, ainsi que le problème des Expériences de Mort Imminente (EMI). 

Je vous propose maintenant quelques extraits du livre.

Le témoignage de Peter Clarke

C’est à cause des défis lancés par les neurosciences à la foi chrétienne que je me suis lancé dans la recherche, il y a plus de quarante ans. Pendant mes études d’ingénieur scientifique à l’Université d’Oxford j’avais assisté avec fascination à une conférence organisée par la « Christian Union » (une association regroupant des étudiants évangéliques à l’université) où le professeur Donald MacKay parlait de la question du déterminisme cérébral et de la liberté humaine. J’ai alors abandonné l’ingénierie pour entreprendre un doctorat en neurobiologie sous sa supervision à l’Université de Keele. (p.12)

Le cerveau n’est-il qu’une machine ? 

Mais il est important de comprendre que le fait de pouvoir considérer le système nerveux mécanistiquement n’implique pas que l’homme ne soit « rien de plus qu’une » machine. Il est aussi un être conscient. Introduire les mots « que » ou « rien de plus que » sans justification a été appelé, par le neurobiologiste Donald MacKay, l’erreur du « rien-de-plus-qu’isme » (en anglais, « nothingbuttery »). 

Même pour un objet simple, le rien-de-plus-qu’isme n’est pas justifié. Imaginez que vous êtes dans un musée en train d’admirer un beau tableau. Un chimiste arrive et vous dit : « Je dois vous enlever vos illusions. Cela ne vaut pas la peine de regarder cette chose ; elle n’est rien de plus qu’une masse d’atomes et de molécules ! ». Vous commencez à protester que c’est un beau tableau, mais le chimiste vous coupe la parole : « Je peux vous assurer que si vous enlevez chaque molécule, il ne restera rien du tout ! » Vous n’allez pas le contredire ! Dans un sens, il a raison. Pour pouvoir affirmer qu’il s’agit d’un beau tableau, vous n’avez pas besoin de nier que la description chimique soit valable. Le tableau est effectivement une masse d’atomes et de molécules, mais il n’est pas « que » d’atomes et de molécules. (p.29)

Pathologie cérébrale et responsabilité morale 

Notre comportement moral dépend de l’activité de notre cerveau. Plusieurs régions cérébrales sont impliquées, mais surtout certaines parties du cortex préfrontal. Les péripéties d’un instituteur à Charlottesville aux Etats-Unis l’illustrent : il avait été un homme responsable et respectable jusqu’à ce qu’un changement bouleverse sa vie. A sa propre surprise, il a commencé à visiter des sites web de pornographie infantile et à visiter des prostituées. Ensuite, il a  commencé à faire des avances sexuelles à sa belle-fille préadolescente, et sa femme a appelé la police. Il a été expulsé de sa maison, jugé coupable d’abus sur enfant et traité avec des médicaments contre la pédophilie. Il a dit qu’il trouvait son nouveau comportement totalement inacceptable, mais que son désir était plus fort que sa capacité à se maîtriser. Il a été expulsé d’un programme de réhabilitation comportementale parce qu’il proposait continuellement des relations sexuelles aux femmes, et a été condamné à la prison. Mais, la veille d’aller en prison, il s’est présenté dans un hôpital se plaignant de maux de tête et disant qu’il avait peur de violer la propriétaire de son logement. Une grosse tumeur cérébrale a été décelée dans le cortex préfrontal droit. L’extraction de la tumeur a fait disparaître le comportement grivois ainsi que la pédophilie. Une année plus tard, la tumeur a commencé à repousser et les fortes pulsions sont revenues. L’enlèvement de la nouvelle tumeur a résolu encore une fois le problème. » (p.40-41)

Un cas de désinformation

Récemment, la presse populaire a manifesté beaucoup d’intérêt pour les origines cérébrales de la croyance en Dieu et plus généralement des attitudes religieuses, menant parfois à des affirmations. Souvent les titres, choisis avant tout pour faire vendre, exagèrent le message de l’article ou du livre dont ils parlent. 

Les titres de plusieurs articles, et même d’un livre, donnent l’impression que la croyance en Dieu serait programmée génétiquement. Ceci est une grosse exagération. 

Un cas notable de désinformation dans ce sens a été le livre (ou plutôt le titre de sa couverture) de l’américain Dean Hamer intitulé The God Gene (Le Gène de Dieu).Publié en 2004, ce livre portait le sous-titre : « Comment la foi est câblée dans nos gênes ». Peu après la publication du livre, le magazine américain Time, diffusé à plus de trois millions d’exemplaires, a consacré sa une au livre en question avec ces mots : « Est-ce que notre ADN nous oblige à chercher une puissance supérieure ? Croyez-le ou non, certains savants disent que oui ». Ces deux couvertures délivraient incontestablement le message que notre foi, ou notre absence de foi, serait programmée dans nos gènes. Un message bien vendeur pour le magazine !

Pourtant, si l’on se donne la peine de lire le livre au lieu de regarder seulement la couverture, on découvre tout autre. D’abord, le livre ne concerne même pas la croyance en Dieu ! Il relate une étude de l’auteur sur l’influence d’un gène appelé VMAT2 non pas sur la croyance en Dieu, mais sur un trait que l’on appelle l’auto-transcendance. (…) Deuxièmement, même pour la transcendance de soi, personne n’imagine qu’un seul gène serait impliqué, et l’auteur avoue dans son livre que le titre est faux pour cette raison. D’ailleurs, les variations du VMAT n’expliquent que d’une manière infime l’influence génétique sur ce trait de caractère. (p.55-57)

Que penser des Expériences de Mort Imminente et des visions de lit de mort ? 

Le chrétien que je suis doit-il rejeter ces expériences comme des hallucinations ou les accepter comme preuve d’un monde au-delà de la mort ? 

Globalement, elles ne me semblent que partiellement compatibles avec une doctrine chrétienne standard. Certes, l’expérience d’une lumière ineffable associée à un sentiment d’amour intense rappelle certains versets de la première épître de Jean : « Dieu est lumière » (1 Jean 1.5) et « Dieu est amour » (1 Jean 4.8). La distinction assez claire entre ciel et enfer va aussi dans le sens de la doctrine chrétienne. Aussi, beaucoup de ces EMI et visions impliquent Jésus, des anges ou d’autres figures bibliques. Mais des bouddhistes rapportent parfois une expérience de Bouddha et des Hindous ont parfois une expérience de Krishna. 

Comme mentionné ci-dessus, je pense que, jusqu’à maintenant la véracité des expériences n’a été ni démontrée ni réfutée scientifiquement. Pour le moment je reste ouvert aux deux possibilités. Les expériences pourraient refléter une vraie rencontre avec une réalité de l’au-delà, mais être interprétées selon le système de croyance du sujet qui en a fait l’expérience. Ainsi, un chrétien qui expérimente un être de lumière pourrait l’interpréter comme étant Jésus, mais un Hindou pourrait identifier la même expérience comme étant Krishna. Alternativement, les expériences pourraient être des hallucinations dues à des facteurs psychologiques ou neurochimiques que nous ne comprenons pas encore.  (p.77-78)

Conclusion

Je pense que ce petit livre est vraiment idéal pour introduire chaque chrétien à ce « défi des neurosciences ». Loin de mettre en péril la foi chrétienne, l’auteur nous montre que ces nouvelles découvertes scientifiques doivent au contraire nous pousser à réviser nos préjugés et à approfondir notre réflexion.