Organisation politique et vie de la cité chez quelques philosophes arabes / 5

Sphère domestique et sphère politique

La notion de gouvernement est pensée selon trois modes : nous avons précédemment exposé le premier, le gouvernement de soi. De fait, il est nécessaire aux individus composants la cité, chaque homme devant être maître de lui-même et de ses actes, afin d’assurer et d’assumer pleinement le rôle qui va lui être imparti dans le tout que forme la Cité. 

Les deux autres modes de gouvernements sont la sphère domestique et la sphère politique, qui sont mis en parallèle. Ainsi « le foyer ne s’harmonise et n’est rendu prospère qu’à partir de parties et d’associations définies. Elles sont au nombre de quatre : mari et femme, maître et esclave, père et enfant, propriétaire et propriété. Celui qui gouverne ces parties et associations accorde certaines avec d’autres, lie chacune avec l’autre, de sorte qu’à partir de toutes <ces parties et associations> il y a une association dans les actions et une entraide pour parfaire un seul dessein, et mener à bien et préserver pour <ses membres> la prospérité du foyer à travers les choses bonnes : celui <qui fait cela> est le maître du foyer et son gouvernant. Il est appelé le maître du foyer et il est dans le foyer comme le gouvernant de la cité est dans la cité. « [1]

Le foyer est donc lieu d’associations, réunion de parties qui deviennent dépendantes les unes des autres pour leur bon équilibre. Il s’apparente à un corps, dont les différents organes fonctionnent de concert pour la bonne santé et le bon équilibre du tout. 

C’est au chef du foyer, son gouvernant, de s’assurer que ces multiples associations fonctionnent correctement, et que chaque organe du foyer assure les fonctions qui lui sont imparties. Il est le garant de la bonne marche de son foyer. 

La cité est alors envisagée comme un foyer à grande échelle, elle aussi fondée sur des associations. Ces parties deviennent également dépendantes les unes des autres et travaillent ensemble pour assurer le bon équilibre, c’est-à-dire la prospérité, du tout. 

Le rôle de garant de la bonne marche de la cité est ici aussi assuré par le gouvernant. Il doit s’assurer que chaque partie de la cité assume ses fonctions et que l’équilibre est maintenu par le travail de chacun. 


[1]Al-Fārābī, Fuṣūl muntaza‘a (Aphorismes Choisis), tr. fr. S. Mestiri & G. Dye, Paris, Fayard, 2003, p. 60.