Fraternité cupitaire

En cette période de fêtes, l’absence de la majorité des étudiants laisse le Centre Universitaire Protestant (CUP) bien vide.

C’est l’occasion pour moi de m’interroger sur la fraternité qui nous est donné à vivre dans ce lieu de vie étudiante. 

Le CUP accueille une quarantaine d’étudiants, pour la plupart en théologie mais pas seulement. Âgés de 19 à plus de 50 ans, originaires d’une dizaine de pays différents, nous avons donc des cultures et des modes de vie différents. Et si la foi en Christ nous unit, elle n’empêche pas les tensions, les heurts et les incompréhensions. En bref, le CUP est une grande famille, et comme dans toute famille, tout n’est pas toujours rose. 

            Alors qu’en est-il de la fraternité à laquelle nous sommes appelés ? Comment vivre cet appel de l’épitre aux Romains 15, 5-7 : « Que le Dieu de la persévérance et de l’encouragement vous donne d’être bien d’accord entre vous, selon Jésus Christ, pour que, d’un commun accord, d’une seule voix, vous glorifiiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Aussi accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ lui-même vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. » ? 

Être chrétien, ce n’est pas être mou ou tiède, ce n’est pas se laisser marcher sur les pieds ; être chrétien, ce n’est pas vivre au pays des bisounours. Si le Christ nous a dit de tendre l’autre joue, ce n’est pas en une invitation à tout accepter sans broncher, mais à ne pas répondre à une atteinte quelle qu’elle soit par une surenchère. Chrétienne, je suis ainsi libre d’exprimer mes points de vue et mes oppositions à autrui, même quand cela concerne une chose banale comme la manière de faire la vaisselle dans la cuisine commune, avec ou sans inondations à la clef. 

Enfonçons des portes ouvertes (les banalités méritent souvent d’être redites, car nous avons trop souvent tendance à les connaître mais à oublier de les appliquer dans nos vies quotidiennes) : être chrétien, c’est accueillir l’autre pour ce qu’il est et non pour ce que l’on voudrait qu’il soit. Résister à la tentation de mettre autrui dans des cases, parce qu’il ne correspond pas à nos attentes. C’est finalement accepter que, même si l’autre ne fonctionne pas de la même manière que moi, il n’a pas tort et moi raison, nous sommes simplement différents. 

Car il ne s’agit pas de s’aimer malgré nos différences, malgré la cuisine laissée souvent bien dégoutante, les tours de machine non respectés ou la mauvaise humeur des jours de fatigue en période d’examens.

L’amour auquel nous sommes appelés n’est pas un amour malgré mais un amour avec. J’essaie d’aimer mes voisins avec ce qu’ils sont, avec leur mode de vie opposé au mien, leurs caractères, leur manière de ranger, nettoyer, etc. Car nous ne faisons pas que vivre dans un même lieu, nous ne partageons pas seulement des locaux, nous co-habitons.

            Vivre au CUP, c’est finalement une école de vie, si l’on accepte de se laisser déplacer. C’est apprendre cette cohabitation parfois difficile mais si belle. C’est savoir que l’on trouvera toujours quelqu’un pas loin pour échanger, s’épancher si besoin, prier ensemble ou l’un pour l’autre. C’est savoir qu’à travers chacun de nous, c’est Christ qui nous aime, nous encourage, nous fait grandir.