Ashes to ashes

Ashes to ashes (des cendres à la cendre), écrite en 1996, traduite en française par Dispersion, fait partie des pièces dites les plus « fortes » d’Harold Pinter, prix Nobel de littérature en 2005.
La compagnie « Le veilleur » la représentait le jeudi 13 février au Centre paris Anim’ les Halles à l’occasion du 7ème festival Acte&Fac organisé par le Service culturelle de l’universite Sorbonne-Nouvelle de Paris 3.

Accueillis par la musique bien connu du groupe The Clash, Should I stay or should I go, les comédiens nous scrutent, nous interpellent et nous font part de leurs questionnements, et nous parlent notamment de cette obsession de l’auteur pour les « pauses » qui apparaissent un grand nombre de fois dans les didascalies et soumet la question de comment les habiter.

Ces pauses ce sont les silences que ce couple a besoin pour méditer et résoudre le puzzle de leur situation dont il manque certaines pièces… La conversation dévie sur cet amant énigmatique que la femme aurait connu, les interrogations rancunières du mari font office de coups de pinceaux reconstituant la toile qui présente le portrait encore flou de ce tombeur inconnu.

« Apparemment il avait du cran, un sens aigu du devoir, et il était persévérant. » soupire-t-elle.

Mais était-ce avant ou après que l’on se soit connu ? réplique son mari.
Car ces détails ont de l’importance : question d’adultère ou non…
Dans ce décor fait de cartons de déménagement, ce couple semble prêt à partir. Ce qui s’est passé marque un brisement dans leur ménage. Il ne reste de leur foyer que des plantes vertes, des bouteille de liqueurs, et des théière disposées sur ces cartons amoncelés.
La pièce manque d’actes concrets, pourtant les seuls qui sont présents augmentent de manière significative la tension dramatique. Cette femme qui fait couler son thé sur le sol, déclarant qu’elle se trouve dans un océan de sauce (à problème) ou cet homme qui projette un carton détruisant les murs de son appartement. On aurait envie que cela aille plus loin et qu’ils s’en prennent à tous ces cartons qui attendent bien trop sagement en fond de scène.

Tous deux face public, les dialogues des amants sont emprunts d’une froideur volontaire à l’image de ces néons en bord de scène qui rappelle ceux d’un espace clinique. On ne sait si elle parle à son mari ou à son psy, ou aux deux.

Le souvenir de cet amant est-il construit de toute pièce ?
On peut tout enlever à un être humain sauf sa mémoire. Cette femme ne s’est pas vu retirée le souvenir de ces bébés arrachés sur le bord du quai que les soldats réquisitionnaient. L’homme enquête sur le traumatisme de sa femme par des procédés d’hypnose que l’on devine par la récurrence de ses claquements de doigt. Mais tout n’est pas clair dans ces histoires qui se contredisent. On ne sait distinguer le vrai du faux dans les paroles de cette femme atteinte par la folie de son traumatisme.

Le jeu naturel opéré par le brisement du quatrième mur au commencement permet une complicité singulière entre les comédiens. Seulement, cela laisse place à un phrasé contemporain hors les mots d’Harold Pinter auraient besoin d’une tension dramatique fièvreuse et exaltée afin de percer la coquille du spectateur.

Le loop de la pédale en bord de scène devient l’allégorie de la réitération du souvenir et ce processus apparaît comme une thérapie nécessaire à la compréhension de ce traumatisme. Ainsi les phrases se ressassent, se conjuguent et s’entremêlent. La mise en scène, d’un genre « grunge poli », signée Marion Bouquet dépeint un Harold Pinter avec une esthétique simple et épurée, laissant la primauté au texte dans ce huis clos cartonné.

Mise en scène – Marion BOUQUET
​Avec – Giuseppina COMITO et Quentin METENIER
Scénographie – Justine CREUGNY
Costumes – Joanne HAENNEL
Lumières – Estelle CERISIER